Origine et histoire du Château de Saint-Sauveur-le-Vicomte
Le château de Saint-Sauveur-le-Vicomte, dont les ruines se dressent sur la commune de Saint-Sauveur-le-Vicomte (Manche), est un ancien château fort du Cotentin, propriété de la commune. Construit aux XIVe et XVe siècles sur un édifice antérieur installé sur une motte à la fin du Xe ou au début du XIe siècle, il fut l’une des grandes places anglaises pendant la guerre de Cent Ans. Classées au titre des monuments historiques par la liste de 1840, ses ruines dominent un escarpement rocheux aménagé, à l’entrée du bourg, au bord de la Douve. Implanté à la hauteur du gué, le château contrôlait les voies terrestres et le trafic fluvial et commandait, aux XIVe et XVe siècles, le Seuil du Cotentin.
Une première forteresse est probablement d’origine viking; le premier fortin de bois sur motte est attribué aux sires de Saint-Sauveur, dont la lignée se succède aux XIe et XIIe siècles. Durant la guerre de Cent Ans, Geoffroy d’Harcourt, allié puis ennemi des Anglais, y entreprend des restaurations avant que ses possessions ne passent, en partie, au roi d’Angleterre ; occupé par les Anglais après 1356, le château est renforcé et reçoit notamment un grand donjon carré sous Jean Chandos. Le siège mené sous l’autorité de Du Guesclin, appuyé par Jean de Vienne, aboutit à la reddition de la place au terme d’un long blocus et de l’emploi d’artillerie lourde en 1375, après quoi le roi de France fait réparer la forteresse et la remet à ses proches. La place change encore de mains aux XVe et XVIe siècles : reprise par les Français en 1450, elle appartient ensuite à la famille de Villequier puis sert, aux XVIe et XVIIe siècles, à divers usages civils et hospitaliers. Le château joue un rôle lors des guerres de Religion, est transformé au fil du temps et perd son intérêt stratégique avec le développement de l’artillerie. Il devient hospice et prison entre les XVIIe et XVIIIe siècles, est gravement endommagé par des bombardements en 1944, accueille un musée et une maison de retraite, et a retrouvé depuis le début des années 2000 une grande partie de son aspect ancien. La restauration figure parmi les projets soutenus par le Loto du patrimoine 2020, avec des travaux prévus sur la tour des prisons, la consolidation des parements et l’étanchéité des arases.
Les vestiges visibles correspondent essentiellement aux évolutions des XIVe et XVe siècles, bien qu’un bâtiment existe probablement au moins depuis le XIe siècle. L’ensemble se présente comme une haute cour polygonale de 50 × 60 mètres, flanquée de huit tours et défendue par de solides murailles ; dans l’angle sud‑est se dresse le donjon carré muni de contreforts massifs. L’accès à la haute cour se fait par le pavillon d’entrée dit porte Robessart, qui est surmonté d’un logis joignant la haute et la basse cour ; cette dernière n’est conservée que partiellement à l’ouest et ses fossés comblés forment aujourd’hui une esplanade.
Le donjon, élevé sur la motte et daté des années 1346-1370, domine la vallée de la Douve de 30 mètres ; il s’élève sur 25 mètres, mesure environ 13,50 mètres de côté et présente des murs épais de 1,80 à 2,30 mètres. Il comprend trois niveaux résidentiels et une pièce sous combles, avec une salle voûtée au rez-de-chaussée reposant sur un pilier octogonal, un accès au premier étage par un pont sur la courtine et un escalier à vis desservant les étages supérieurs ; sa terrasse a perdu son parapet et a été couverte d’une petite construction au XVIe siècle. La tour des prisons, au sud‑ouest, a 11 mètres de diamètre ; utilisée comme prison aux XVIIe et XVIIIe siècles, elle porte de nombreux graffitis et dessins — crucifix, potences, menottes — ainsi qu’un cantique de quatre vers encore chanté au grand Pardon de la mer à Granville. La tour de la Batterie, plus ancienne, présente trois étages voûtés en coupole et une gaine de tir ménagée dans l’épaisseur du mur, tandis que la tour Houlande et la tour des Cigognes témoignent de l’influence anglaise dans certains aménagements et ouvertures.
Le site se visite du 1er juin au 15 septembre ; le reste de l’année, les visites sont possibles sur réservation auprès de l’office de tourisme de Saint-Sauveur-le-Vicomte. L’honneur de Saint-Sauveur, centre d’une seigneurie qui s’étendait à la Renaissance sur plus d’une trentaine de villages, regroupait de nombreux fiefs et exerçait la haute justice, l’administration des forêts et la perception des revenus, tout en contrôlant un port fluvial sur la Douve destiné à l’approvisionnement et à l’exportation des produits de la baronnie.