Origine et histoire du Château de Saint-Ulrich
Les trois châteaux qui dominent Ribeauvillé — le Guirsberg, le Haut-Ribeaupierre (Altenkastel) et le Grand-Ribeaupierre ou Saint-Ulrich — occupent le sommet d’un massif qui a sans doute été fréquenté dès les époques hallstattienne et gallo-romaine. Le site du Haut-Ribeaupierre est mentionné en 1254 sous le nom d’Altenkastel ; selon T. Biller et B. Metz, son donjon et la courtine ouest pourraient dater de la première moitié du XIIIe siècle. Le logis adossé au mur bouclier nord parait être une construction du XVe siècle ; à cette époque le château servait plutôt de prison pour des personnages tels que John Harleston et Philippe de Croy, ainsi que pour des accusés de sorcellerie ou des juifs. L’entrée sud a été doublée au XVIe siècle par deux portes successives à ponts-levis, la première protégée par une canonnière, et une citerne voûtée à nervures subsiste à l’est de cet accès. L’abandon du château intervient après le XVIe siècle, sans doute durant la guerre de Trente Ans ; d’importantes consolidations ont été menées dans le dernier quart du XIXe siècle par l’architecte Charles Winkler, qui a notamment restauré le couronnement du donjon en remontant ses merlons en briques, puis une restauration complète a eu lieu en 1999-2000.
Le château de Grand-Ribeaupierre, dit Saint-Ulrich, est l’un des trois édifices qui surplombent la commune ; il est situé à 528 m d’altitude et ses vestiges sont classés au titre des monuments historiques (arrêté du 1er octobre 1841, mention au Journal officiel du 16 février 1930). Le nom actuel provient de la chapelle dédiée à saint Ulrich, mais les textes médiévaux n’emploient pas ce toponyme : à l’origine le site portait le nom de la famille de Ribeaupierre qui y avait établi son siège. Le château est mentionné en 1038 comme le « rocher de Reginbald », et sa possession change à plusieurs reprises entre souverains et prélats : il est remis au prince-évêque de Bâle par l’empereur Henri IV, repris par Henri V en 1114, puis attribué par Frédéric Barberousse à Egenolphe d’Urslingen vers 1163. De la fin du XIIe au XVIe siècle, l’édifice reste la principale résidence des Ribeaupierre ; le titre de « sire de Ribeaupierre » apparaît en 1219 pour les petits-fils d’Egenolphe, et Anselme II, qui chasse d’autres membres de la famille, soutient deux sièges en 1287 et 1293 contre les souverains du Saint-Empire. Une affaire judiciaire célèbre marque le XVe siècle : Cunégonde d’Hungerstein est enfermée près de vingt ans dans le donjon, accusée d’avoir étranglé son mari en 1487.
L’architecture militaire du Grand-Ribeaupierre illustre plusieurs phases : donjon carré et corps de logis datés du XIIe siècle, salle des chevaliers et grande tour d’habitation du XIIIe siècle, barbacane et enceinte extérieure du XIVe siècle. Vers 1200, le château est réaménagé et reçoit un bâtiment d’apparat dont subsiste le niveau inférieur, éclairé par des fenêtres géminées surmontées d’un oculus et équipé de banquettes latérales ; la chapelle Saint-Ulrich date du XVe siècle, approximativement vers 1435. Les Ribeaupierre quittent ensuite le château pour une demeure de style Renaissance (l’actuel lycée de Ribeauvillé) et transfèrent le centre administratif de la seigneurie en 1518 ; le site est ensuite démantelé au cours de la guerre de Trente Ans.
Les vestiges offrent aujourd’hui une lecture claire des différentes phases de construction et présentent des éléments caractéristiques : accès successifs, salle des chevaliers encore lisible, tours et courtines multiples, ainsi que des perspectives sur le Guirsberg et le paysage environnant accessibles par des chemins parfois escarpés.