Château de Saulxures à Saulxures-sur-Moselotte dans les Vosges

Patrimoine classé Patrimoine défensif Demeure seigneuriale Château de style Louis XV

Château de Saulxures à Saulxures-sur-Moselotte

  • Impasse du Château
  • 88290 Saulxures-sur-Moselotte
Château de Saulxures à Saulxures-sur-Moselotte
Château de Saulxures à Saulxures-sur-Moselotte
Château de Saulxures à Saulxures-sur-Moselotte
Château de Saulxures à Saulxures-sur-Moselotte
Château de Saulxures à Saulxures-sur-Moselotte
Château de Saulxures à Saulxures-sur-Moselotte
Crédit photo : René Dinkel - Sous licence Creative Commons
Propriété d'une société privée

Période

milieu XIXe siècle

Patrimoine classé

Façades et toitures du château et de ses dépendances (cad. AI 307) : inscription par arrêté du 21 décembre 1984

Origine et histoire du Château de Saulxures

Le château de Saulxures, surnommé le "Versailles vosgien" ou le "petit Versailles", a été édifié rue de la Gare à Saulxures-sur-Moselotte sous le Second Empire, de 1854 à 1861, d’après les plans de l’architecte Charles Perron. Sa construction fut commandée par Élisabeth Géhin, née Mathieu, veuve de l’industriel textile Jean-Thiébaut Géhin, en hommage à son mari disparu prématurément, à l’époque de l’essor textile dans les Vosges. Aujourd’hui abandonné et menacé de démolition, il bénéficie d’une protection au titre des monuments historiques qui préserve sa structure en pierre et permet d’envisager une reconstitution future des parties habitables et des charpentes.

L’industrialisation de la vallée de la Moselotte est notamment liée à Jean-Thiébaut Géhin, né à Ventron en 1796, qui créa en 1825 la première filature mécanique à moteur hydraulique de l’arrondissement de Remiremont. Après avoir exercé douze ans comme maire et conseiller général, il mourut prématurément à 46 ans. La construction du château par sa veuve et le coût élevé de l’ouvrage, près de 2 000 000 de francs alors que les filatures et tissages de la famille avaient une valeur totale mentionnée en 1861, témoignent de la prospérité textile de l’époque. Jean-Thiébaut Géhin était considéré comme un artisan important de la réputation des calicots des Vosges. Abandonné depuis 1972, le château est aujourd’hui en partie en ruine, mais la structure porteuse subsiste.

L’architecture intérieure se distingue par des éléments de grand raffinement : parquet en marqueterie, larges cheminées en marbre de Carrare, escaliers somptueux, plafonds peints par Félix Haffner, nombreuses sculptures et tapisseries monumentales, le tout réalisé dans un goût inspiré du style Louis XV par des artistes de premier plan. Le mobilier provenait de la maison Jeanselme Père et Fils, fournisseur de la Couronne, et les grilles conçues par Desforges, Brochon et les frères Festugières étaient des répliques de celles de la place Stanislas à Nancy. Le perron était flanqué de quatre atlantes et cariatides de l’avant-corps central, représentant les quatre saisons et signées Georges Clère, lequel a également collaboré au décor du nouveau Louvre ; les prototypes en plâtre de ces cariatides sont conservés au Louvre, tandis que les originaux n’ont pas été préservés. À l’origine, deux grandes verrières reliaient le bâtiment principal aux dépendances.

Les façades, toitures et dépendances du château ont été inscrites à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques par arrêté du 21 décembre 1984, la désignation couvrant notamment les dépendances sud et nord, la façade principale, une annexe nord bien conservée et la statue devant le château. De nombreuses personnalités ont séjourné ou ont été reçues au château, parmi lesquelles Adolphe Thiers, Gabriel Pierné et Lise Deharme. Pendant l’occupation allemande le château fut épargné ; lors des combats de la Libération en 1944 une grande partie de la population trouva refuge dans les caves, puis le site accueillit le PC de la 3e DIA qui reçut la visite du général de Lattre de Tassigny et du général de Gaulle. Le château a été habité jusqu’en 1972.

Plusieurs tentatives de sauvegarde et de réutilisation ont été envisagées sans aboutir : une instance de classement temporaire notifiée le 26 décembre 1983 n’a pas reçu de suite et des projets, dont le transfert de la Maison familiale de la commune, ont échoué faute de possibilités de subvention adaptées à la réhabilitation à cette époque. Juridiquement, et en l’absence de consentement du propriétaire, le classement d’office ne peut intervenir que par décret en Conseil d’État après avis de la Commission nationale des monuments historiques ; le propriétaire peut cependant solliciter un classement au titre de la loi du 31 décembre 1913, au moins pour le clos et couvert déjà inscrits, afin de favoriser une restauration respectueuse, la protection des intérieurs pouvant être limitée pour ne pas entraver des projets de réutilisation. Pour qu’un projet de réhabilitation puisse se réaliser, il faut une vente amiable, une expropriation pour cause d’utilité publique ou la conclusion d’un bail emphytéotique ; l’État ne peut imposer la réalisation de travaux en cas d’inscription à l’inventaire supplémentaire.

La réutilisation est présentée comme un moyen de conservation : elle doit concilier respect du caractère, de l’histoire et de l’architecture du monument avec les exigences d’usage contemporaines, notamment l’accessibilité, le confort, la compréhension et la sécurité des visiteurs, tout en préservant l’intimité des usagers et la qualité acoustique. La discussion porte sur le choix entre restauration complète, restauration partielle ou simple consolidation archéologique, le traitement dépendant de l’état et des éléments manquants. Comme l’a souligné Bruno Foucart, l’usage des bâtiments patrimoniaux s’impose comme une exigence économique, culturelle et sociale et la stricte conservation ne peut exclure leur mise en vie.

Le cadre d’étude et de maîtrise d’œuvre repose sur les dispositions de la loi de 1913 et sur des diagnostics, études de conservation-restauration et études de faisabilité menés par des architectes du patrimoine, la préfecture de région et la DRAC mettant à disposition les connaissances et les prescriptions techniques et indiquant les études préalables et compétences requises. Le montant possible de l’aide de l’État est évalué selon les caractéristiques du monument, son état, la nature des travaux et les efforts du propriétaire ; les travaux des parties protégées restent à la charge du propriétaire mais peuvent être compensés par des avantages fiscaux. Deux types d’études sont généralement envisagés — une étude préalable de restauration pour les parties inscrites et une étude de faisabilité pour la réutilisation et l’aménagement des abords — chacune servant de dossier de demande de subvention auprès des financeurs publics et privés. Des subventions sont possibles de l’État, de la région et du département, et le solde non subventionné peut être déductible du revenu imposable ; les travaux de réutilisation bénéficient de mécanismes de soutien plus larges mais à des taux différents, et le mécénat est encouragé par des dispositifs publics et des acteurs comme la Fondation du patrimoine, La Demeure historique, Vieilles Maisons Françaises et l’opération Loto du patrimoine.

Abandonné depuis 1972, le château a vu ses toitures et plafonds s’effondrer sous l’effet des intempéries, mais la structure principale reste en bon état avec un soubassement de blocs de granit, des parements en grès rose des Vosges et de nombreuses sculptures ; faute d’étanchéité, le salpêtre progresse et l’intérieur a été pillé et vandalisé. Le fronton porte encore le cartouche « JTG » pour Jean-Thiébaut Géhin et le balcon est soutenu par atlantes et cariatides attribuées à Georges Clère. À l’occasion du 150e anniversaire, des défenseurs du château ont présenté une exposition de documents et de photographies retraçant son histoire, et la mission confiée à Stéphane Bern par le président de la République pour recenser les monuments en péril a permis de porter à nouveau l’attention sur ce site. De nombreuses publications, gravures, peintures, pétitions et reportages photographiques, ainsi que des ressources telles que la base Mérimée et Wikimedia Commons, documentent le château et les actions en faveur de sa sauvegarde.

Liens externes