Origine et histoire du Château de Stors
Le domaine de Stors, situé au hameau de Stors sur la commune de L'Isle‑Adam et s'étendant aussi sur Mériel, domine la rive gauche de la vallée de l'Oise et est inclus dans le site classé de la vallée de Chauvry. Un domaine y est mentionné dès 1093 et une chapelle est édifiée au XIIe siècle; un château fort sur le coteau est attesté au XIVe siècle et y est habité en 1435 par Jean de Saint‑Benoit. Au XVIe siècle le château est décrit comme un hôtel seigneurial en pierre et tuiles; Denis Duval puis son fils Jean y reconstruisent une demeure à deux niveaux, cantonnée de pavillons latéraux, en conservant certains éléments plus anciens. René Duval et Madeleine de L'Aubespine de Verderonne font rebâtir et agrandir la chapelle où le cœur de Madeleine est déposé, et la propriété reste liée aux Verderonne jusqu'au XVIIe siècle. L'édifice actuel a été construit au début du XVIIIe siècle sur les fondations de l'ancien château, peut‑être vers 1718 à l'occasion d'un mariage familial; l'architecte demeure inconnu. Une tradition a longtemps attribué la construction à Jules Hardouin‑Mansart, mais les dates rendent cette attribution improbable et d'autres noms ont été avancés sans preuves. Sans héritier, le marquis de Verderonne vend ses biens et, en 1746, Louis François de Bourbon‑Conti acquiert les seigneuries de Villiers‑Adam, Stors et Marangle, Stors étant valorisé à 150 000 livres dans la transaction. Le prince de Conti charge Pierre Contant d'Ivry d'embellir le château et d'aménager un jardin à la mode, faisant de Stors la résidence de ses maîtresses successives. En 1783 la propriété est vendue au futur Louis XVIII sous réserve d'usufruit, puis elle est confisquée comme bien national à la Révolution sans subir de vandalisme. Les parties hautes sont toutefois sérieusement endommagées par un ouragan en janvier 1794 et le château se dégrade jusqu'à son rachat en 1798 par Isaac Ardant, qui y installe du mobilier provenant de Louveciennes tandis que son épouse introduit des essences venues d'Amérique. Au XIXe siècle la propriété change encore de mains: la fille d'Ardant vend à François‑Christophe Edmond Kellermann, 3e duc de Valmy, qui procède à des remaniements et aménage un grand perron donnant sur l'Oise; plus tard, pour raisons financières, le duc revend le domaine à Casimir Cheuvreux, qui l'agrandit et y reçoit écrivains et hommes d'État. Sous les Cheuvreux le domaine atteint environ 150 hectares; il passe en 1893 à Lannes de Montebello, qui y reçoit des membres de la famille Romanov et y rassemble un mobilier et des collections luxueuses. Après des années d'occupation estivale, la propriété décline au XXe siècle : en 1944 les bombardements détruisent l'aile Nord et l'exploitation agricole, puis, à partir de 1983, le château est pillé et vandalisé jusqu'à être menacé de démolition dans les années 1990. Les restes de l'édifice et une partie du parc sont rachetés en 1999 par un couple de passionnés, les Capdevielle; en 2001 les terrasses, les kiosques et le bassin sont inscrits à l'Inventaire supplémentaire des Monuments historiques et un chantier européen est lancé en 2002. Quelques scènes du film Les Aristos ont été tournées au château en 2006, et fin 2019 le domaine a été acquis par une princesse de la famille royale du Qatar en vue d'une restauration fidèle à l'état d'avant la Seconde Guerre mondiale.
Le domaine réunit plusieurs bâtiments distincts : les vestiges du château dit « Mansart » (XVIIIe‑XIXe siècle) comprennent l'aile Sud, un perron central donnant sur les jardins et un escalier à révolution vers l'Oise; entièrement en pierre de taille, l'édifice témoigne d'une qualité d'exécution comparable aux grandes résidences de campagne du début du XVIIIe siècle. Les importants communs construits vers 1840 forment l'actuel pavillon Valmy et ont fait l'objet de restaurations. Dans les jardins, une double terrasse monumentale attribuée à Pierre Contant d'Ivry domine le château et la rivière; la terrasse, ses salles souterraines et le bassin elliptique sont inscrits à l'Inventaire depuis 2001. Deux petits pavillons, restaurés par Louis‑Charles Boileau dans le style de la pagode de Chanteloup, ponctuent l'ensemble, et le parc paysager, qui comprenait autrefois plusieurs pièces d'eau et fabriques disparues, aurait été conçu par Louis‑Sulpice Varé. La chapelle paroissiale Sainte‑Madeleine, fondée au XIIe siècle et reconstruite entre 1564 et 1574 par René Duval, présente une façade à oculus attribuée à Contant d'Ivry; remaniée au début du XIXe siècle et aménagée intérieurement sous le Second Empire, elle a été endommagée pendant la Seconde Guerre mondiale, partiellement détruite par la chute d'un arbre, puis restaurée grâce à des actions de mécénat. À 800 mètres, sur la commune de Mériel, le moulin de Stors (ou moulin Perrot, XVIe siècle) a été transformé en gentilhommière dans le style troubadour par Louis‑Charles Boileau pour les Cheuvreux et les Lannes de Montebello; le manoir est entouré d'un parc à l'anglaise et l'ancien étang, disparu au XXe siècle, a laissé place à des marais d'intérêt écologique. Le domaine comprend enfin l'ancienne maison des passeurs dite Tournebride, du XVIIe siècle, qui servait aussi d'auberge et dont la toiture et la charpente ont brûlé en décembre 2017. Au total, l'ensemble conserve l'ancienne auberge « Au Tourne‑Bride », la chapelle restaurée, les dépendances du pavillon Valmy, les parterres et les terrasses monumentales, ainsi qu'un petit pavillon chinois au nord, illustrant la diversité architecturale et paysagère du site.