Origine et histoire du Château de Tarascon
Le château de Tarascon, dit Château du Roi René, est un ancien château fort situé à Tarascon, en bordure du Rhône, dans les Bouches-du-Rhône (Provence-Alpes-Côte d'Azur). Ancienne propriété de l'État (ministère de la Culture), la propriété a été transférée à la commune par convention signée le 1er janvier 2008. Reconstruit dans la première moitié du XVe siècle dans un style mêlant gothique et renaissance, il fut le cadre des séjours, des fêtes et des rencontres du roi René, et accueillit également Jacques Cœur, fugitif après sa condamnation par Charles VII. Le château se dresse sur un îlot rocheux bordé par le Rhône et contrôla jusqu'en 1481 la frontière politique que forme le fleuve ; haut de 45 mètres, il domine le paysage au nord d'Arles. Un premier château existait à cet emplacement ; il aurait été édifié par Roubaud II, marquis de Provence, entre 994 et 1010. Partiellement détruit puis reconstruit, il fut occupé au milieu du XIIIe siècle par Charles d'Anjou et restauré en 1291 par son fils Charles II, dit « le Boiteux ». En 1367, le duc Louis d'Anjou tenta de s'imposer en Provence et confia le siège de Tarascon à Bertrand Du Guesclin, qui entreprit le siège en 1368 ; la ville capitula en mars 1368 mais fut reprise en septembre 1370. La reconstruction du château actuel fut entreprise par Louis II d'Anjou, les travaux débutant le 27 novembre 1400, puis repris de 1428 à 1435 par Louis III d'Anjou. L'architecte Jean Robert travailla avec les sculpteurs Simon de Beaujeu et Jacques Morel, et les matériaux provenaient de carrières de Beaucaire. Le roi René n'effectua que de petites modifications entre 1447 et 1449 sous la conduite de Jean de Serocourt et Regnault de Serocourt, et fit placer dans une niche de la cour d'honneur les bustes de lui-même et de la reine Jeanne de Laval. En 1471, Tarascon fut équipée d'artillerie, avec vingt bombardes et trois autres pièces probablement installées sur les terrasses du château, et quelques travaux supplémentaires eurent lieu de 1476 à 1479, dont le remplacement du pont-levis par un pont fixe. Après 1481, le château n'eut qu'un usage occasionnel par les représentants royaux ; du XVIIIe siècle à 1926 il servit de prison, notamment pour des marins ennemis. Les dégradations liées à cette utilisation furent réparées par les architectes Henri Antoine Révoil et Jean Camille Formigé, qui rétablirent notamment le crénelage. Bâti sur un îlot rocheux, le château est séparé de la ville par un fossé taillé dans le roc pouvant recevoir les eaux du Rhône et se compose de deux parties distinctes : la basse-cour au nord, dédiée aux communs et aux hommes d'armes, et le logis seigneurial au sud. L'accès se fait par une porte entre la première tour carrée de la basse-cour et la tour ronde dite de l'Horloge ; on pénètre alors dans une cour fermée située entre la basse-cour et le château, formant une véritable souricière en cas d'attaque. La basse-cour est un massif polygonal entouré d'une muraille moins haute que celle du château ; elle est flanquée vers la ville par trois tours barlongues et possède une tour plus petite côté Rhône. Les communs abritent l'apothicairerie de l'hôpital Saint-Nicolas, où sont exposés plus de deux cents pots en faïence de Saint-Jean-du-Désert et de Montpellier dans une boiserie du XVIIIe siècle. Le logis seigneurial, véritable château proprement dit, présente des courtines de 3 à 4 mètres d'épaisseur et des murailles culminant à 45 mètres, avec deux tours rondes à l'est (tour de l'Horloge et tour des Chapelles) et deux tours carrées à l'ouest, côté Rhône. Les architectes ont privilégié des tours rondes sur la façade la plus exposée pour leur résistance, mais la persistance des tours carrées témoigne d'un certain archaïsme ; les courtines ont la même hauteur que les tours, assurant un niveau de défense et de circulation continu, à la manière de la Bastille. Au centre, la cour d'honneur est entourée de bâtiments d'habitation de trois étages, les deux premiers plafonnés « à la française » et le dernier voûté ; ils sont desservis par des escaliers en vis, le principal étant logé dans une tourelle en saillie sur la façade orientale. Sur le côté oriental se trouve un escalier polygonal et, sur la façade sud, la niche qui abrite les bustes mutilés du roi René et de la reine, œuvres probablement attribuées à Francesco Laurana. La tour des Chapelles, semi-circulaire et datée de la première moitié du XVe siècle, contient deux chapelles superposées : la chapelle basse des Chantres, rectangulaire avec abside semi-circulaire et voûtes d'ogive en deux travées, et la grande chapelle à l'étage, de même plan mais moins élevée ; leurs ouvertures limitées à des meurtrières favorisaient la défense. L'aile méridionale, la plus exposée, n'ouvre pas côté sud et ne reçoit des fenêtres que sur la cour d'honneur, tandis que l'aile ouest, en bordure du Rhône, comporte de grandes fenêtres donnant sur le fleuve et des salles uniques à chaque étage destinées aux réceptions et banquets. Si la décoration est réduite en raison de la vocation militaire, on observe des consoles sculptées (chimères, aigles, chauves-souris) supportant les voûtes d'ogive et de nombreux décors peints de la première moitié du XVe siècle représentant animaux réels et fantastiques ainsi que des personnages humains, thèmes repris dans le décor sculpté. De nombreux graffitis jalonnent les salles du château, y compris les pièces d'apparat et les communs depuis son usage pénitentiaire à partir du XVIIe siècle ; leur recensement a permis d'établir une typologie des détenus selon leur nationalité, leur provenance ou la date d'emprisonnement. Une chambre utilisée comme cachot au XVe siècle est remarquable pour ses graffitis de bateaux et de galères, gravés par un ou plusieurs marins catalans, ainsi que pour des inscriptions religieuses (Livre de Job) et des motifs profanes comme un jeu d'échecs. Le château a servi de décor au cinéma et à la télévision, doublant notamment la Bastille dans le film La Révolution française de Robert Enrico (1989) et accueillant un tournage le 23 août 2020 pour la série Draculi & Gandolfi de Guillaume Sanjorge. Le site a aussi attiré des voyageurs et érudits : Désiré Monnier, en visite le 14 août 1849, a dessiné la façade occidentale du château dans son carnet aujourd'hui conservé à la bibliothèque municipale de Besançon.