Origine et histoire du Château de Tournoël
Le château fort de Tournoël, situé à Volvic dans le Puy-de-Dôme, est classé monument historique depuis la liste de 1889. Il occupe un éperon rocheux à 594 m d'altitude, sur un contrefort du puy de la Bannière, à 1,5 km au nord de Volvic, et domine la plaine de la Limagne. Sa position volcanique isolée offrait une protection naturelle et permettait de surveiller la région, notamment la ville marchande et judiciaire de Riom et l'abbaye de Mozac ; dans un rayon d'environ cinq kilomètres, Tournoël constituait ainsi un contre-pouvoir seigneurial face aux autorités consulaires, royales et religieuses. Dès le début du XIIIe siècle Guillaume Le Breton le décrivait comme « inexpugnable », en raison de ses fortes pentes, de ses vallées profondes, de ses murs et tours multipliés, de sa garnison et de ses provisions. Le nom « Tournoël » dérive du gaulois Turno ialon, « la hauteur au-dessus de la plaine » ; les formes écrites varient du XIe siècle au XIXe siècle selon les documents.
Les origines du château restent mal connues ; la première mention documentaire d'un seigneur, Bertrand de Tournoile, figure dans un acte daté des années 1077-1095 où il restitue une église au chapitre de Clermont. À une date non précisée la famille des comtes d'Auvergne s'en rend maîtresse ; Guy II d'Auvergne en est détenteur au moins depuis 1190. Les tensions entre Guy II et Philippe Auguste, aggravées par l'attaque de Mozac en 1210-1211, aboutissent à une intervention royale ; fin 1212 l'armée de Philippe Auguste, commandée par Guy II de Dampierre, assiège et prend Tournoël. Après des combats et la capture de membres de la famille comtale, la forteresse se rend et, en décembre 1213, le comté de Basse-Auvergne est largement annexé au domaine royal, les biens de l'abbaye de Mozac étant restitués sur ordre du roi.
Guy II de Dampierre prend possession du château pour le roi et adresse l'inventaire de la forteresse le 20 décembre 1213 ; il meurt en janvier 1216 et son fils Archambaud VIII conserve Tournoël par décision royale. Le domaine auvergnat est ensuite concédé en apanage à Alphonse de Poitiers, qui réside parfois à Tournoël au milieu du XIIIe siècle ; à la mort d'Alphonse, la terre d'Auvergne revient au domaine royal.
En 1306 Philippe le Bel échange Tournoël, Châteauneuf et une partie de la seigneurie de Cébazat avec les héritiers de Géraud de Maulmont contre des places stratégiques du Limousin et du Périgord ; Pierre de Maumont devient officiellement seigneur de Tournoël en 1313. Par alliances et successions, la seigneurie passe ensuite aux La Roche, qui renforcent les défenses : Hugues de La Roche ajoute au donjon circulaire du XIIIe siècle un chemin de ronde en saillie avec mâchicoulis et un couloir de protection à la base, et aménage une terrasse défensive sur l'éperon.
La famille de La Roche conserve Tournoël jusqu'au XVe siècle ; Antoine de La Roche réside au château et y transforme des logis pour les rendre plus confortables, ouvrant des fenêtres et introduisant des décors de style Renaissance. Ses démêlés avec Jean II, duc de Bourbon, conduisent à des saisies et à des remises en mains judiciaires ; les inventaires dressés à ces occasions mentionnent notamment quatorze couleuvrines, cinq petits canons tirant des boulets de pierre et deux ribaudequins. La seigneurie passe ensuite par mariage aux Albon de Saint-André ; Jacques d'Albon, maréchal de France, en est l'un des plus illustres titulaires mais fréquente peu la résidence de Tournoël.
Par la suite Tournoël appartient aux familles de Saint-Germain d'Apchon, de Montvallat et de Naucaze, avant de revenir aux Chabrol, dont Guillaume-Michel Chabrol est le dernier seigneur en titre. Les redevances seigneuriales et les droits féodaux sont supprimés à la Révolution. En août 2000 le château a été acquis par Claude Aguttes, qui a entrepris une restauration générale de la couverture, des dallages, des fenêtres et des maçonneries.
L'architecture aujourd'hui montre un ensemble composé de deux enceintes successives, chacune avec une tour-donjon : une tour d'habitation rectangulaire d'origine XIIe siècle remaniée aux XVe et XVIe siècles, et un donjon circulaire élevé entre le premier tiers du XIIIe et le début du XIVe siècle, protégé par une chemise pentagonale avec éperon face à l'attaque. La basse-cour, peu fortifiée et seulement ceinte d'un mur probablement du XV siècle, précède la haute-cour défendue par la tour de la Garde du XVIe siècle, dite « tour au miche », dont l'appareil de bossages ronds évoque des boulets ou une miche de pain. Le donjon a été ruiné lors du siège de 1595. Les logis conservent des crépis ornés de graffitis, dont une chasse au loup et des scènes obscènes, et un linteau martelé porte un relief représentant saint Georges terrassant le dragon. Le château a servi de résidence seigneuriale jusqu'au XIXe siècle, sans qu'un bourg ne se forme à son pied en raison de la proximité de Volvic.