Origine et histoire
Le château de Wargemont, situé au hameau de Vargemont sur la commune de Derchigny (Petit-Caux, Seine‑Maritime), doit sa physionomie actuelle à une reconstruction générale au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle dont subsiste le corps central, puis à des remaniements au XIXe siècle qui ont ajouté deux pavillons en retour et une chapelle neuve. La chapelle Saint‑Denis, attestée dès 1284, a été détruite. Du XVe siècle à 1789, la seigneurie appartint aux Le Fournier, futurs marquis de Wargemont, dont quelques vestiges peuvent subsister en sous‑sol ; leurs armes étaient d’argent à trois roses de gueules, d’où une forte association du lieu à la rose. Au début du XIXe siècle, Philippe‑Antoine Merlin de Douai, par son mariage avec la comtesse de Wargemont, accroît le domaine à partir de 1812 et entreprend vraisemblablement les premières modifications du château ancien. Son gendre, le comte d’Haubersart, poursuit et achève ces travaux et réaménage le parc à l’anglaise, qui fut décrit au milieu du siècle comme une « charmante habitation » profitant de la topographie pour offrir des promenades. À partir de 1855, le domaine passe dans la famille Bérard ; Paul Bérard, héritier et mécène des impressionnistes, y reçoit notamment Pierre‑Auguste Renoir. Renoir séjournera à Wargemont à plusieurs reprises entre 1879 et 1899 et y peint régulièrement, notamment de 1879 à 1885, période au cours de laquelle il réalise entre autres Les Deux Chasses (1884‑1885). Plusieurs autres artistes et personnalités liées à l’entourage impressionniste vinrent à Wargemont, parmi lesquels Mary Cassatt, Jacques‑Émile Blanche, Gustave Caillebotte et Albert Cahen‑d’Anvers. De nombreuses œuvres liées au château figurent aujourd’hui dans des musées internationaux et des collections privées ; certaines portent la mention de localisation « Wargemont » sous la signature de l’artiste. Les décors intérieurs du château vers 1880 ont fait l’objet de nombreuses études et figurent dans des réflexions contemporaines sur la décoration impressionniste, notamment lors de l’exposition « Le décor impressionniste » au Musée de l’Orangerie et de l’exposition « Renoir. Rococo Revival » au Städel Museum de Francfort. Mary Cassatt décrivait Wargemont comme « un joli endroit, avec parc à l’anglaise, plutôt isolé », et Claude Monet soulignait l’attachement de Paul Bérard au lieu. Une correspondance d’environ vingt‑cinq années entre Renoir et Paul Bérard est conservée et étudiée par les spécialistes. Le château, propriété privée, bénéficie d’une protection partielle au titre des monuments historiques : l’intérieur du rez‑de‑chaussée est inscrit par arrêté du 26 juin 1986, tandis que la salle à manger et les deux panneaux peints par Renoir sont classés par arrêté du 8 octobre 1993. Le domaine a conservé, dans son ensemble, une configuration conforme aux plans, documents et représentations du XIXe siècle.