Période
XVIe siècle, XVIIe siècle, XVIIIe siècle
Patrimoine classé
Château des comtes d'Armagnac (cad. CK 910) : façades et toitures, intérieur de la partie sud de l'aile ouest, y compris l'ancienne pharmacie, bastion nord-ouest et son moineau - hôpital (cad. CK 910) : façades et toitures (y compris l'arc muré et son bassin) et la clôture avec sa grille, chapelle en totalité (y compris la sacristie), galeries de circulation du rez-de-chaussée et cage d'escalier monumentale, intégralité des salles du sous-sol - totalité des sols des parcelles CK n°1, 3, 910, y compris leurs aménagements particuliers (cimetière des religieuses, jardin central de l'hôpital) ; sol des parties non cadastrées suivantes : terrain situé à l'ouest du château et bordant l'allée de Montmorency, cour située entre la façade est de l'aile ouest du château et la façade ouest de l'hôpital, tel que figuré sur les trois plans annexés à l'arrêté : inscription par arrêté du 22 août 2016
Origine et histoire
Le château des comtes d'Armagnac, implanté à l'ouest de l'éperon dominant Lectoure, occupe une position en éperon barré sur des falaises calcaires et repose sur les vestiges d'une fortification antérieure. Entré au milieu du XIVe siècle dans la mouvance des comtes d'Armagnac, il devint leur résidence en bordure de la ville. Le château subit d'importantes destructions lors du siège de la ville par Louis XI (1472-1473), puis, devenu propriété royale, il fut réparé et fit l'objet d'aménagements jusqu'au XVIIe siècle. Entre 1583 et 1590, il fut séparé de la ville par un double bastion et une partie des lieux servit de prison. En 1758 l'évêque Claude‑François de Narbonne‑Pelet obtint du roi la concession du château pour y établir un « hôpital‑manufacture » et fit édifier, de 1758 à 1766, un vaste bâtiment en U. Le bastion qui séparait alors le château de la ville fut supprimé et seule l'extrémité ouest du château fut conservée pour accueillir pharmacie et dépendances de l'hôpital. Le bastion nord s'effondra peu après 1824. L'aile sud et la chapelle de l'hôpital furent achevées entre 1808 et 1812, la chapelle étant décorée par le peintre lectourois Lasseran. De nouveaux bâtiments furent élevés au XIXe siècle au nord et au sud, et l'hôpital fut finalement désaffecté en 2013. Mis en vente en 2014, il sert aujourd'hui de lieu d'exposition pour antiquaires et brocanteurs.
Les origines du château restent mal connues, mais les chroniqueurs soulignent son grand antiquité et sa contemporanéité avec les remparts de la ville, pour la plupart d'époque romane. Il connut de nombreuses transformations et fut très tôt isolé de la cité par un rempart et des ouvrages défensifs : un bastion circulaire puis, à l'époque de Vauban, une demi‑lune polygonale précédée d'un fossé. L'accès depuis l'extérieur était possible par une petite poterne côté nord, défendue par une fausse braye, et, de ce fait, l'entrée dans la ville par l'ouest était difficile sans franchir les défenses puissantes de l'est. La ville fut prise lors de sièges, notamment en 1473 et en 1562, mais souvent à l'issue de tractations plus que par des opérations militaires décisives. Le château fut la résidence officielle des comtes d'Armagnac jusqu'à Jean V, tué lors de la prise de la ville par les troupes de Louis XI en 1473, puis il accueillit le gouverneur et le sénéchal.
En 1632, après sa défaite à Castelnaudary, le duc de Montmorency fut détenu au château de Lectoure ; la tradition locale rapporte une tentative d'évasion impliquant une échelle de soie dissimulée dans un gâteau, récit légendaire dépourvu de preuve documentaire, tandis que d'autres récits évoquent des cordes de soie et une intervention avortée ; Montmorency fut finalement exécuté à Toulouse.
Les vestiges visibles du château permettent d'en imaginer la puissance : de hautes murailles dominent la falaise calcaire et les principaux corps de logis adossés au rempart subsistent à l'ouest et au nord‑ouest, bien qu'ils aient perdu leurs couronnements et leurs tours, à l'exception de la base d'une petite tour polygonale dans la cour intérieure. L'angle nord‑ouest présente un bastion carré récemment restauré et rendu accessible, jouxté par un petit cimetière des religieuses de Nevers, et ce belvédère offre une vaste perspective vers l'ouest et le nord. L'entrée de la ville et du château se faisait par une porte nord protégée par la fausse braye et par un rempart isolant le château au niveau d'un virage de la route actuelle.
L'hôpital, implanté en avant des bâtiments du château et adossé au rempart, présente un plan en U classique, avec une cour intérieure ornée de parterres, d'un bassin et d'un puits, fermée par un portail et une grille. Au rez‑de‑chaussée, des arcades en plein cintre forment une galerie couverte ; de grandes fenêtres éclairent l'étage. L'avant‑corps central montre trois arcades et trois baies en plein cintre surmontées d'un fronton triangulaire portant une horloge, l'ensemble étant coiffé d'une arcade avec cloche et d'une croix en fer forgé. Un grand escalier mène à l'étage, complété par deux petits escaliers en bois aux extrémités des ailes ; la chapelle, accessible depuis l'angle sud‑ouest de la galerie, conserve une abside semi‑circulaire visible du côté des remparts. Une vaste galerie voûtée au sous‑sol, qui abritait les ateliers où travaillaient les nécessiteux, fut ensuite affectée à des locaux techniques et de service, témoignant de l'attention portée à la fonctionnalité propre au siècle des Lumières. Le site associe ainsi l'intérêt des vestiges du château fort et celui de l'hôpital‑manufacture, édifice d'un grand intérêt architectural et d'une vocation sociale marquée.