Origine et histoire du Château des Ducs
L'ancien château des Ducs, appelé aussi Grand Logis ou logis des Ducs, est une demeure du XIVe siècle élevée sur l'emplacement d'un château fort du XIIe siècle, à Argentan dans l'Orne, en Normandie. Centre de la vicomté d'Argentan, il est classé au titre des monuments historiques. Il se dresse sur le versant sud de la colline de la ville, à proximité de l'église Saint-Germain. La fortification médiévale renforcée par Henri Ier Beauclerc comprenait quatre lignes de défense : un bail extérieur correspondant aux murailles de la ville, un bail intérieur formé d'une muraille épaisse, seize tours rondes et carrées, le château proprement dit et un donjon. Le bail intérieur, divisé en deux par une muraille avec tours et fossés partant du donjon, contenait d'un côté la ville et de l'autre le palais ou Grand Logis, la maison du gouverneur, la salle des comptes et le donjon ovale. Depuis ce palais, Henri II Plantagenêt rassembla des forces contre le duc de Bretagne et y reçut en 1168 les légats du pape appelés à le réconcilier avec Thomas Becket ; c'est là aussi que s'enchaîna l'affaire menant à l'assassinat de l'archevêque. Le château accueillit ensuite des personnages royaux et princiers : Henri le Lion et sa femme y furent hébergés pendant leur exil, Aliénor d'Aquitaine y fixa sa résidence après la mort d'Henri II, et Jean sans Terre y tint une cour plénière. Au fil des siècles, le domaine changea de mains et subit des épisodes de guerre ; la ville et le château furent pillés et brûlés par les Anglais lors de la guerre de Cent Ans, et la vicomté passa à divers seigneurs, dont les Montmorency puis le comte d'Alençon. Le logis que l'on voit aujourd'hui est attribué au comte Pierre II d'Alençon, qui fit édifier vers 1370 une grande maison à trois étages, la galerie décorée et la chapelle castrale Saint-Nicolas. Ce Grand Logis était relié par des galeries à la tour de la Reine et à la chapelle construite en 1373 ; Pierre II y vécut et y mourut. Renforcé au XIVe siècle avec l'appui du roi Charles V, le château fut repris par les Anglais, puis rendu aux Français sous Charles VII, qui fit son entrée dans la ville. Le logis accueillit par la suite des séjours royaux et princiers : Marguerite de Lorraine s'y réfugia et y fonda les clarisses, François Ier y séjourna à plusieurs reprises et participa à des fêtes, dont une organisée avec la participation attribuée à Léonard de Vinci, qui présenta entre autres un automate en forme de lion. Les XVIe et XVIIe siècles virent d'autres séjours royaux et des aménagements intérieurs : en rez-de-chaussée se trouvaient les cuisines, aux étages les grands appartements et chambres seigneuriales, tandis que les combles accueillaient des chambres sous une charpente remarquable. À la fin du XVIe siècle, la galerie construite par Pierre II fut détruite et le Grand Logis devint la résidence des gouverneurs jusqu'en 1727. Une légende locale évoque une "Damoiselle" nommée Isabeau, apparue la nuit dans diverses formes après la mort tragique de son amant. En 1727, l'audience et la prison de la ville furent transférées au château, les gouverneurs furent délogés, et un souterrain menant apparemment au donjon fut découvert lors des aménagements. Le bâtiment abrita ensuite les réunions municipales et le siège des juridictions, dont la composition évolua au XVIIIe siècle à la suite de décisions royales. Des transformations architecturales eurent lieu aux XVIIIe et XIXe siècles : démolition partielle de tours, remplacement des jambages et voussoirs de la porte par un portail néoclassique puis par une porte néogothique, et diverses restaurations. En 1944, le logis et la chapelle castrale furent gravement affectés par des bombardements qui endommagèrent la charpente, puis le bâtiment connut d'importantes modifications de volumes et d'ouvertures au cours de la seconde moitié du XXe siècle. Parmi ces aménagements, une baie de la façade est fut transformée en porte d'accès au hall du tribunal en 1954 et deux travées supplémentaires furent percées sur la façade ouest en 1955. Le vaste logis rectangulaire de 27 × 12,50 mètres, propriété de la ville d'Argentan, abrite aujourd'hui le tribunal de grande instance. De l'ensemble primitif subsistent la base du donjon polygonal et, dans une seconde enceinte, la chapelle Saint-Nicolas transformée en bibliothèque et musée ainsi que l'ancien logis ducal restauré après 1944. Le donjon d'origine, de la fin du XIIe ou du début du XIIIe siècle, n'existe plus que sous la forme d'un petit arc de cercle place Mahé, et l'enceinte quadrangulaire entourée de fossés n'offre plus de vestiges en élévation. Les restes de l'ancien château intégrés au palais de justice sont protégés et classés au titre des monuments historiques par la liste de 1889.