Origine et histoire du Château des ducs de Savoie
Le château des ducs de Savoie, dit château de Chambéry, est un ancien château fort du XIe siècle situé à Chambéry (Savoie, Auvergne‑Rhône‑Alpes). Modifié à plusieurs reprises depuis le XIIIe siècle, il a conservé une vocation administrative continue depuis cette époque. La chapelle du château a abrité le Saint‑Suaire de 1502 à 1578. Dans son clocher, la « tour Yolande », se trouve le grand carillon dit « Saint‑François de Sales », œuvre de la fonderie Paccard composée de 70 cloches ; un concert y a lieu les premier et troisième samedis de chaque mois à 11 h. Aujourd'hui le château accueille les services de la préfecture de la Savoie, du conseil départemental et de l'Académie de Savoie. L'ancien château est classé au titre des monuments historiques par arrêté du 10 août 1881, et le grand salon orné d'un décor Louis‑XVI l'est par arrêté du 20 avril 1960.
Édifié à l'origine sur une terrasse tournée vers la ville à l'extrémité de la colline de Montjay, il dominait autrefois un bras de l'Albanne aujourd'hui détourné vers la Leysse. La Leysse se trouve désormais à environ 500 mètres au nord, et les abords immédiats comprennent la place du château, le faubourg Maché et le centre hospitalier ; le quartier de Bellevue occupe aujourd'hui des hauteurs qui dominent le château. Le site a été, dès l'Antiquité, un carrefour stratégique permettant de contrôler plusieurs voies de passage entre la France et l'Italie. Le château fut construit au XIe siècle par les seigneurs de Chambéry, à proximité de l'ancienne cité romaine de Lemencum, et passa progressivement aux comtes de Savoie au XIIIe siècle.
Amédée V, qui acquiert le château à la fin du XIIIe siècle, en fait la résidence principale de la maison de Savoie et y centralise les fonctions administratives du comté, tout en entreprenant d'importants travaux de fortification et d'aménagement résidentiel. De vastes campagnes de construction et d'élévation de la butte ont marqué la fin du XIIIe siècle et les XIVe–XVe siècles, donnant l'essentiel des bâtiments visibles aujourd'hui. La Sainte‑Chapelle, élevée de 1408 à 1430 d'après les plans de Nicolas (ou Nicolet) Robert, présente une nef unique prolongée par une abside polygonale et un décor gothique flamboyant ; son chevet s'appuie sur la courtine nord du château. La chapelle, restaurée à plusieurs reprises, contient une tribune réservée au duc, une autre pour les orgues, des vitraux du XVIe siècle restaurés en 2002 et un autel du XVIIIe siècle ; sa façade classique fut refaite par Amedeo de Castellamonte en 1641.
Plusieurs tours et éléments défensifs, parmi lesquels la tour Trésorerie, la tour demi‑ronde, la tour des Archives et la tour Yolande, structurent l'ensemble ; la tour Trésorerie abrita longtemps les archives ducales. La porterie, construite entre 1318 et 1330 et voûtée au XIXe siècle, conserve la porte de la herse datée de 1302‑1303 et des rainures permettant sa manœuvre depuis le chemin de ronde. Le château a connu de nombreux incendies et destructions : il fut endommagé en 1532, fortement touché en 1743 sous l'occupation espagnole, partiellement détruit par un incendie en 1798 qui anéantit des archives, et un nouvel incendie ravagea les combles de l'aile est le 1er novembre 1997.
Après la perte de la capitale au profit de Turin en 1563, il resta toutefois résidence ducale et siège d'institutions comme la Chambre des comptes, le Gouvernement et l'Intendance, puis fut progressivement restauré et adapté aux usages administratifs. Au XIXe siècle, sous l'Empire et le règne des rois de Sardaigne, des travaux successifs transformèrent des ailes en appartements royaux et confièrent au château une fonction préfectorale ; à l'annexion de 1860 il fut donné au département et de nouvelles constructions furent réalisées. L'essentiel des façades et des aménagements intérieurs actuels résulte d'opérations menées au XIXe siècle et poursuivies jusqu'à la Troisième République, complétées par des campagnes de restauration au XXe et XXIe siècles, notamment la remise en état des décors de la Sainte‑Chapelle entre 2009 et 2012.
Sur le plan architectural, le château présente la forme d'un quadrilatère irrégulier avec un donjon carré, une tourelle de guet, une haute tour semi‑circulaire et la haute chapelle, tandis que des vestiges de la motte primordiale subsistent sous une plate‑forme à l'est. Les jardins actuels occupent l'emplacement de bâtiments disparus, comme la Grande Salle et la tour des Poudres, emportés par les incendies et les démolitions des XVIIIe et XIXe siècles ; le portail du XVe siècle du monastère Saint‑Dominique y a été réinstallé. La tour Yolande abrite l'histoire du carillon exposé à l'Exposition universelle de 1937, installé ensuite au château en 1938 et remplacé en 1993 par l'instrument actuel de 70 cloches dont la grosse cloche pèse 5 100 kg.
Le château est par ailleurs le siège d'une châtellenie documentée depuis la fin du XIIIe siècle, divisée à partir de 1315 en cinq métralies couvrant Chambéry, Lémenc, Saint‑Sulpice, Couz et Vimines, et Villette/Cognin, et administrée par une succession de châtelains chargés des fonctions judiciaires, financières et militaires. Une riche documentation d'archives, conservée notamment aux archives départementales de la Savoie, témoigne de cette organisation et des comptes des châtellenies du XIIIe au XVIe siècle.