Période
2e moitié XVIIe siècle, XVIIIe siècle
Patrimoine classé
Façades et toitures du bâtiment d'habitation, du bâtiment des communs et du pavillon d'entrée en bordure de la route se dirigeant vers Sainte-Opportune-du-Bosc ; murs de clôture entourant la grande cour, la cour à l'ouest des communs et la pelouse au sud-ouest, y compris le soutènement ; la totalité du sol à l'intérieur des clôtures ; hall du rez-de-chaussée, escalier, grand salon carré du premier étage et salon contigü : classement par arrêté du 14 mai 1952 - Abords du château (cad. Sainte-Opportune-du-Bosc AD 14 à 37, 38p) ; grande perspective du château (cad. Le Neubourg A 9) : classement par arrêté du 13 octobre 1971 - Parties suivantes constituant le parc et les abords du château (à l'exception des parties déjà classées) : parc, ensemble des murs et tous les aménagements de jardin connus ou à découvrir ; grand axe nord-ouest/sud-est pour la partie comprise entre la départementale 39 au nord et le chemin rural des bois au sud ; réserve boisée du bois du Colombier : sols, demi-lune et allées en étoile compris entre le chemin vicinal 40 au sud-est et les parcelles constructibles au nord-ouest (cad. Sainte-Opportune-du-Bosc AD 39 à 48, 1, 2 ; AC 492, 494 à 498, 500 à 504 ; Le Neubourg A 1 à 6, 8, 12 à 14, 20, 23, 27, 29 à 47) : inscription par arrêté du 21 juillet 1995 - Château : communs, pavillon d'entrée et corps de logis ; partie du parc (cad. Sainte-opportune-du-Bosc AD 83, 82, 80, 39 à 46 ; Le Neubourg A 1 à 3, 31 à 33, 35, 43, 38, 42, 41, 47, 46) : classement par arrêté du 12 octobre 1995
Origine et histoire du Château du Champ-de-Bataille
Le château du Champ-de-Bataille est une demeure du XVIIe siècle située à Sainte-Opportune-du-Bosc, dans l'Eure, en Normandie, érigée pour le comte Alexandre de Créquy. Il est partiellement protégé au titre des monuments historiques. Implanté à cinq kilomètres du Neubourg, le domaine se trouve au cœur de la campagne du Neubourg, non loin du château d’Harcourt. L'origine du nom "Champ-de-Bataille" fait l'objet de plusieurs hypothèses, évoquant aussi bien une bataille légendaire que l'appartenance à un personnage nommé Bataille, des chasses au sanglier ou des conflits entre familles locales.
Exilé et assigné à résidence, Alexandre de Créquy fit édifier la résidence et faire aménager des jardins dont deux plans sont attribués à Le Nôtre ; les travaux s'étendirent de 1653 à 1665. Après sa mort, la propriété passa par succession et ventes successives jusqu'à l'acquisition en 1754 par Anne-François d'Harcourt, futur duc de Beuvron, qui fit du Champ-de-Bataille sa résidence principale et entreprit d'importants travaux d'aménagement, notamment la cage d'escalier, le vestibule, la chapelle et un théâtre dans les communs. Les travaux furent interrompus à la Révolution : le château, inhabité, fut séquestré, pillé en 1795 et resta inoccupé.
Au XIXe siècle la propriété changea plusieurs fois de mains, puis fut rachetée en 1903 par le comte Charles d'Harcourt qui la restaura avant de la vendre en 1936; la ville du Neubourg l'acquit pour en faire un hospice, puis elle servit après la guerre de camp de prisonniers et de prison pour femmes. En 1947, François-Charles, 11e duc d'Harcourt, fit restaurer façades, toitures et intérieurs, remeubla le château avec des souvenirs de famille et reconstitua le parc ; il ouvrit le domaine à la visite en 1957 et le céda en 1982. Après 1982 la propriété fut entretenue par un particulier qui y créa un golf en 1990, puis vendue en 2 phases et acquise en 1992 par le décorateur Jacques Garcia, qui a conduit d'importantes rénovations intérieures et remeublé le château dans l'esprit de l'Ancien Régime. Une paire de statues en marbre blanc, réputées provenir du château, figura par ailleurs à une vente Sotheby's à Londres en 2000.
Le bâtiment, de plan essentiellement carré, comprend un corps de logis et des communs symétriques séparés par une cour d'honneur, reliés côté entrée par une galerie à balustrade et côté parc par un mur ponctué de pilastres et d'une porte monumentale surmontée de statues allégoriques. Les ailes et les communs développent chacun environ 80 mètres, en brique et pierre, sur deux niveaux couronnés d'ardoises ; l'ordonnance et le jeu des volumes relèvent d'un vocabulaire classique, ponctué de frontons, d'échauguettes et de bustes inspirés de motifs antiques. La chapelle du château est dédiée à saint Alexandre.
Depuis la restauration entreprise par Jacques Garcia, l'intérieur a été remodelé pour retrouver des volumes XVIIIe siècle : le décloisonnement de petites pièces a permis de reconstituer de grands espaces, dont une vaste bibliothèque sur deux niveaux prolongée par cabinets de curiosités; l'un des espaces abrite une collection d'armures japonaises et d'armes orientales. La visite des Grands Appartements présente notamment le vestibule d'honneur réaménagé sous Louis XVI, la salle des gardes ou salon d'Hercule, le cabinet des porcelaines, un salon Louis XV, la chambre de parade, la grande salle à manger, le salon de compagnie — qui a conservé une grande partie de son décor d'origine — et la salle du billard.
Le château et son parc font l'objet de protections successives au titre des monuments historiques, avec des classements et des périmètres inscrits entre 1952 et 1995. Les jardins, labellisés "Jardin remarquable", ont été largement recréés à partir de 1992 : plus d'un million de mètres cubes de terre ont été déplacés pour restituer des niveaux et une perspective de 1,5 km, et la composition actuelle s'inspire d'éléments anciens — dont un croquis attribué à Le Nôtre — tout en proposant une interprétation contemporaine.
Sur un domaine de quelque 180 hectares, les jardins occupent 45 hectares et déploient parterres à la française, broderies de buis, bosquets, terrasses, fabriques, sculptures et bassins ; on y compte des milliers d'ifs, de tilleuls et de charmilles, 60 000 buis, 20 fontaines et bassins, ainsi que de grandes serres. L'ensemble s'articule selon une symbolique des "sept degrés", qui conduit du minéral au spirituel : le degré minéral englobe la grande terrasse et les bassins proches du château ; le degré végétal regroupe les dentelles de buis et les bosquets opposant une évocation d'Érèbe et d'Éden ; le degré animal rassemble fontaines, kiosques et fabriques évoquant les règnes animaux ; le degré de l'humanité comprend la Voie et ses paliers d'eau bordés par le théâtre de verdure et l'ermitage ; le degré de la conscience est marqué par les Marches et la grande cascade ; le degré de la lumière correspond au grand canal dit le Reflet ; enfin le degré de l'esprit aboutit à la Sphère coiffant une colonne ancienne.
Parmi les fabriques et aménagements figurent un temple du Trésor de Léda, des éléments antiques et restaurés, le jardin du Belvédère avec colonnes et escalier circulaire, les Carrés de Diane et d'Apollon reconstitués selon des documents du XVIIe siècle, ainsi qu'un jardin anglo-indien ouvert au public depuis le 3 juin 2023 qui accueille la grotte de Cybèle et un palais moghol reconstitué. Le domaine propose ainsi une lecture mêlée d'histoire, de restauration et d'interprétation contemporaine.
