Origine et histoire du Château du Taureau
Perché sur l'îlot du Taureau à l'entrée de la baie de Morlaix, le château a longtemps contrôlé l'accès à la rade et occupé une position stratégique pour sa défense. Un premier château édifié en 1521 fut rapidement détruit lors de l'attaque anglaise de 1522, puis un fort fut autorisé par François Ier en 1542 et financé par les habitants de Morlaix. En compensation, le roi accorda aux Morlaisiens le privilège de nommer le gouverneur et la garnison, privilège qui se révéla coûteux, le budget de gestion atteignant 18 000 livres en 1620. Le fort primitif, implanté sur le rocher nommé Taureau, comprenait une tour d'artillerie dite Tour Française, des canonnières au ras de l'eau et une enceinte de 6,5 mètres ; Jean de Kermellec en prit le commandement en 1544 avec une vingtaine d'hommes. Fragile et construit dans la précipitation, cet ouvrage subit des dommages : la Tour Française fut détruite en 1609 puis reconstruite en 1614, et le rocher de Primel fut fortifié et exploité pour le pillage pendant les guerres de Religion. Le 22 février 1661 la couronne reprit le fort aux Morlaisiens et l’intégra au système de défense royal. Vauban visita le site en avril 1689, qualifia le fort primitif de trop petit et mal adapté, et proposa un projet de reconstruction en pierre de taille appliqué jusqu'à l'achèvement de l'ouvrage en 1745. Il préconisa la consolidation de la Tour Française, la construction d'un nouveau fort robuste pour résister aux coups de mer et aux vaisseaux, le remplacement des anciennes casemates par une batterie basse voûtée et l'ouverture d'embrasures adaptées au tir. Les travaux, conduits selon ses plans puis poursuivis par Siméon Garangeau et, après la mort de celui-ci en 1741, par Amédée-François Frézier, franchirent plusieurs étapes entre 1689 et 1745 : reconstruction des fronts sud et nord, élévation de l'enceinte ouest, achèvement des casernes et construction d'un grand bâtiment intérieur pour la garnison. Les carrières locales de la baie fournirent les pierres; la restauration porta sur le parement, les embrasures, la plate-forme de la tour et l'organisation des espaces intérieurs, la terrasse du nouveau bâtiment étant achevée en 1745. Malgré les remaniements effectués pour suivre les progrès de l'artillerie et les agrandissements successifs, le fort a perdu son couronnement crénelé mais reste un exemple majeur de construction militaire. À partir de 1720 il servit aussi de prison : la capacité étant limitée, seuls une dizaine de détenus pouvaient être enfermés, parmi lesquels des gentilshommes bretons sur simple lettre de cachet, La Chalotais en 1765 et des députés appelés « crêtois » en 1795. Le château continua d'abriter des prisonniers au XIXe siècle, notamment des communards comme Louis Auguste Blanqui, incarcéré en 1871 dans la « salle de discipline » où il rédigea L'Éternité par les astres. L'évolution de l'artillerie rendit le fort obsolète au tournant du XXe siècle : il cessa d'être opérationnel en 1878, fut déclassé en 1883 et son fanal s'éteignit en 1889. L'armement et les effectifs ont beaucoup varié : la garnison comptait une trentaine d'hommes en 1544, 38 en 1593, 45 en 1702 et atteignit 150 soldats en 1811; l'artillerie culmina à 23 pièces en 1778 puis fut de 14 sous Napoléon Ier. Au XIXe et XXe siècles le fort connut des usages divers : location comme résidence entre 1930 et 1937, installation d'un poste anti-aérien allemand pendant la Seconde Guerre mondiale, puis d'une école de voile et d'un centre nautique de 1960 à 1982. La découverte de quelques ossements en 1905 n'entraîna pas de suite, tandis que l'État classa le château au titre des monuments historiques le 29 juillet 1914. Après un abandon marqué, des associations locales se mobilisèrent à partir de 1988 et une nouvelle structure élargie fut constituée en 1994 avec l'État et la chambre de commerce et d'industrie de Morlaix pour sauver et restaurer le monument. Le chantier de restauration, commencé le 26 mai 2000 et inspiré notamment des prescriptions de Vauban, a duré six ans ; il a permis la remise en état de la cale, des parements et des aménagements intérieurs, et a préparé une muséographie centrée sur la vie quotidienne au XVIIIe siècle. Le fort, situé sur la commune de Plouezoc'h et inatteignable à pied quel que soit le coefficient de marée, est ouvert au public depuis juin 2006 et accueille chaque année plus de 20 000 visiteurs.