Origine et histoire du Château-fort de Druyes
Le château de Druyes est un ancien château fort en ruine, dont les vestiges dominent la commune de Druyes-les-Belles-Fontaines (Yonne). Construit vers 1170 par les comtes de Nevers, il demeura leur propriété jusqu’au XVIIIe siècle et eut la double vocation de palais princier et de forteresse. Au XIIIe siècle, il fut l’une des résidences habituelles de Pierre II de Courtenay puis de sa fille Mathilde, comtesse de Nevers, d’Auxerre et de Tonnerre. Délaissé ensuite par les comtes, il n’abrita plus qu’un capitaine et une garnison puis, à partir du XVIIe siècle, fut abandonné et tomba peu à peu en ruine. Il échappa à la démolition pendant la Révolution, puis des interventions menées au XXe siècle par les habitants, les propriétaires et en coopération avec l’architecte en chef des monuments historiques permirent des travaux de sauvegarde et son ouverture au public depuis 1981.
Le site présente une longue occupation : une voie romaine passait sur le lieu, un monastère est fondé vers 543 et la paroisse est citée en 596 sous le nom de « Drogia ». Lors des invasions normandes du IXe siècle la population se réfugia probablement sur le plateau calcaire qui domine la vallée, où s’organisa ensuite un village fortifié. Dès le haut Moyen Âge, Druyes relève du comté d’Auxerre puis appartient en propre au comte de Nevers, indépendamment de l’autorité de l’évêque d’Auxerre.
Le château apparaît dans les sources à la fin du XIIe siècle et joue un rôle politique et militaire au cours des siècles suivants : en 1199 il est impliqué dans les conflits qui modifièrent la possession des comtés, et en 1216 Pierre II de Courtenay y reçoit des barons avant d’être couronné empereur latin de Constantinople en 1217. Mathilde de Courtenay séjourne fréquemment au château et y remet en 1223 une charte d’affranchissement confirmant des libertés pour les habitants d’Auxerre. Par successions et mariages, Druyes passe ensuite aux maisons de Flandre, de Bourgogne, de Clèves et de Gonzague, puis au XVIIe–XVIIIe siècles à la famille de Damas, qui fit édifier à proximité un château moderne aujourd’hui démoli.
Architecturalement, Druyes appartient à la première génération des châteaux « philippiens » érigés à l’époque de Philippe Auguste : plan simple sur 53 mètres de côté, tours circulaires pour une défense efficace sans tour maîtresse. L’enceinte carrée est défendue aux angles par quatre tours cylindriques et trois courtines sont renforcées en leur milieu par des tours carrées ; la tour nord, la plus élevée, constitue la porte fortifiée. La courtine sud portait le logis seigneurial, aujourd’hui disparu : ce grand bâtiment de 49 × 12 mètres comportait un rez-de-chaussée de services et un étage noble avec une grande salle d’apparat éclairée par une galerie romane d’arcatures en plein cintre et de fenêtres géminées.
Les courtines, épaisses d’environ 2 mètres et hautes de 7 mètres (10 mètres pour la courtine sud), étaient munies d’un chemin de ronde crénelé ; sauf la courtine sud protégée par le dénivelé naturel, chaque courtine comportait une tour carrée qui ramenait la distance de flanquement à 20 mètres. Les tours rondes, innovation philippienne, sont déportées vers l’extérieur de l’axe des courtines pour mieux balayer la base des murs ; les tours sud, dites du Sault et de Beauregard, atteignaient 15 mètres de haut pour 6 mètres de diamètre et communiquaient avec la cour et le premier étage du logis, tandis que les tours nord, plus basses, ne communiquaient pas avec la cour.
La tour-porte, carrée et haute de 20 mètres, constitue la seule entrée de l’enceinte ; elle était équipée d’une herse, de portes à deux battants et renforcée par des contreforts, et ses étages accueillaient la chambre de commandement, les dispositifs de défense (assommoirs) et le treuil de la herse, l’accès à la terrasse se faisant par un escalier pratiqué dans l’épaisseur du mur. En 1762, les créneaux de cette tour furent remplacés par de grandes baies, une corniche et un toit à quatre pans, et une horloge ainsi qu’une cloche y furent installées avec l’accord du marquis d’Anlezy ; la population protégea par la suite cet équipement.
La chapelle s’ouvrait sur la cour ; son abside ornée de fresques était logée dans une tour carrée et des éléments romans (colonnettes, moulures, chapiteaux) en proviennent. Certains voûtes en coupole subsistent dans des tours, et la galerie romane de la courtine sud permet encore de visualiser la disposition lumineuse de l’étage noble. Les ruines du château de Druyes sont classées au titre des monuments historiques par décret du 10 mars 1924.