Origine et histoire
Le Châtel de Theys, situé dans la commune de Theys en Isère, est classé au titre des monuments historiques depuis 1993 pour son décor peint de 150 m2 illustrant l'histoire de Perceval le Gallois. Il se trouve à 650 mètres d'altitude, au pied du massif des Sept Laux, sur les contreforts appelés les Balcons de Belledonne, et s'étend sur plus de trois hectares accessibles par un chemin d'accès médiéval. Au pied de la butte coulent le Ruisseau des Battiards et le Ruisseau de Pierre Herse, et une chapelle dédiée à saint Vincent se trouve à proximité.
L'histoire du site remonte à la famille des Aynard, qui fit édifier une fortification à Theys aux XIe–XIIe siècles, complétant ses possessions locales ; en 1246 un échange est réalisé avec Guigues VII, dauphin de Viennois, puis le territoire est légué trente-six ans plus tard au comte de Genève. Sur la motte et la basse-cour d'origine, le Châtel est construit entre 1279 et 1283 par la famille Bellecombe de Theys, et un second bâtiment est édifié vers 1325. De 1276 à 1365 l'administration est confiée à des officiers-châtelains successifs, et à partir de 1360 de nombreux procès concernent la propriété du château ; la motte des Aynard est en ruines dès le début du XVe siècle. François de Bonne de Lesdiguières acquiert la seigneurie en 1583 et nomme Jean Vignon châtelain. La commune de Theys possède la partie nord depuis 1992 et a acquis la partie sud-ouest en 2011 ; des travaux d'urgence ont été engagés, une association locale créée et un dossier accepté parmi les projets prioritaires du Loto du patrimoine pour envisager la réhabilitation du Châtel, la mise en valeur des peintures murales et, à terme, une ouverture au public.
L'édifice se compose de deux parties. La plus ancienne, datée de 1279–1283, renferme un décor peint du début du XIVe siècle au rez-de-chaussée et à l'étage ; la salle d'apparat du premier étage, accessible anciennement par une structure en bois extérieure à cinq mètres du sol, s'ouvre par une arcade fermée sur une pièce haute de six mètres d'environ 60 m2. Cette salle, globalement bien conservée et peu modifiée depuis le XIIIe siècle, comporte un lavabo dans une niche voûtée à droite de l'entrée, trois fenêtres ébrasées à coussièges, une grande cheminée en pierre aux armes des Monteynard avec tablettes et des latrines en façade dont la porte en bois peinte et les corbeaux saillants sont d'origine. À l'origine l'ensemble des structures, poutres, portes, sol et plafond étaient peints ; aujourd'hui seuls le mur et le plafond ouest ont été endommagés par des infiltrations, et 150 m2 de surfaces ornées restent visibles, ce qui confère à la salle un caractère que les spécialistes jugent « unique au monde ». La seconde partie, attribuée vers 1325, présente des fenêtres aux encadrements trilobés avec bases sculptées ; elle a été transformée ultérieurement en habitation. Une étude archéologique du bâti est en cours pour préciser l'organisation générale, le rôle des pièces et l'étendue des décors peints.
Le décor de l'aula constitue un ensemble civil exceptionnel : la dendrochronologie donne pour terminus post quem l'année 1283, liée à la pose du plafond. Les fresques, signalées dès 1853, ont vu leur sujet identifié par Philippe Walter à la suite d'une exposition en 1991 ; une étude publiée en 1997 a confirmé que les scènes représentent l'histoire de Perceval le Gallois, narrée par Chrétien de Troyes dans le Conte du Graal. Le décor est organisé en trois registres — une draperie feinte en bas, une grande composition centrale à base de triangles colorés et une frise héraldique en haut —, et la composition centrale comprend des quadrilobes à fond bleu montrant cinquante-deux scènes simples qui retracent le début de la légende. Ces illustrations, qui suivent le texte vers par vers, sont disposées sur trois lignes superposées et correspondent, par le nombre et le parcours, à un cycle symbolique : le nombre de scènes équivaut aux semaines de l'année, la lecture du haut vers le bas représente trois piliers de la chevalerie et, en effectuant trois tours de la salle selon une lecture en boustrophédon, le récit fait apparaître la perte d'innocence de Perceval, sa maturation et son accession à la sagesse, motifs interprétés comme vocation, vœu et consécration. Un spécialiste associé au projet depuis 2016 a suggéré que ces peintures, à valeur initiatique, pourraient avoir participé à l'éducation d'un jeune chevalier. Le cycle de Perceval du Châtel de Theys est le seul exemplaire connu en France ; en Europe, trois autres ensembles plus récents sont signalés à Constance, Lübeck et Bolzano.
Le Châtel n'est pas ouvert au public pour l'instant, mais un projet de restauration est en cours. Dans le cadre de l'exposition temporaire au Musée de l'Ancien Évêché de Grenoble intitulée « À l'assaut des châteaux forts ! les archéologues racontent » (15 novembre 2024 – 21 septembre 2025), une visite immersive de l'aula du Châtel est proposée sous le titre « Rêver le Châtel de Theys ».