Origine et histoire
Le château de Sainte-Suzanne est un château fort du XIe siècle situé à Sainte-Suzanne, en Mayenne. Ses remparts et ceux de la cité médiévale sont classés monument historique depuis 1862, et le logis, construit entre 1608 et 1613 par Guillaume Fouquet de la Varenne, est classé par arrêté du 28 décembre 1984. Assiégé par Guillaume le Conquérant de 1083 à 1086, il fut la seule place forte qu'il ne parvint pas à prendre. Propriété du conseil départemental de la Mayenne, il abrite depuis juin 2009 le Centre d'interprétation de l'architecture et du patrimoine (CIAP) du Pays d'art et d'histoire Coëvrons-Mayenne.
Le château est érigé sur un éperon rocheux dominant la vallée de l'Erve, un site occupé depuis l'âge du fer, comme l'ont montré des fouilles réalisées en 2006. Au milieu du XIe siècle, la famille de Beaumont y bâtit un donjon et des remparts. Après la mort du comte Herbert II sans héritier, le duché du Maine passa sous la tutelle de Guillaume le Conquérant, ce qui provoqua plusieurs révoltes de barons opposés à la domination normande. En 1083 Guillaume entreprit le siège de Sainte-Suzanne, défendue par le vicomte Hubert II de Beaumont, et, selon Orderic Vital, la forteresse était inaccessible en raison des rochers et des vignes qui l'entouraient. Les troupes normandes campèrent à Beugy sous le commandement d'Alain le Roux, comte de Richmond, et une paix fut conclue en 1086 entre Guillaume et Hubert, marquant l'une des rares défaites du Conquérant. Pendant la guerre de Cent Ans, le château appartint à Ambroise de Loré ; il fut pris par les Anglais commandés par John Fastolf en 1425 puis repris par Jean de Bueil en 1439, et la cité et le château furent restitués en 1447. En 1604 Guillaume Fouquet de la Varenne acheta les ruines de la vieille forteresse à Marguerite de France pour y établir une demeure ; l'assassinat du roi en 1610 retarda et compromet son projet, mais le logis de la première moitié du XVIIe siècle subsiste.
La forteresse s'organise autour d'une cour triangulaire d'environ 0,6 hectare ceinturée par onze tours, dont huit rondes et trois carrées. Un fossé longe le rempart ouest et sépare le château de la ville médiévale, tandis que les deux autres côtés dominent la vallée. Un donjon quadrangulaire à trois niveaux se dresse près de l'ancien pont-levis ; le premier niveau servait d'entrepôt, le second de salle de réception et le troisième d'espace privé. Une poterne située près de la pointe sud-est du rempart est probablement percée au XIIe siècle. À partir de 1604, Fouquet fit adapter la forteresse pour une résidence en utilisant des pierres de grès locales, du tuffeau d'Angers et du roussard de Bernay, en abaissant la hauteur de certains remparts, en réutilisant la base d'une grosse tour et en remblayant la cour entre l'ancien pont-levis et la poterne de la porte de fer. Le logis, représentatif de l'époque Henri IV et du style de transition entre la Renaissance et le classicisme, présente une toiture à forte pente en ardoises d'Angers, une façade rythmée en travées, des frontons de lucarnes et une sobriété décorative classique dans les bossages encadrant les baies. Le pavillon d'escalier d'entrée, conçu comme une loggia menant à l'escalier intérieur, apporte une nuance à la façade dépouillée. Le bâtiment comporte un sous-sol voûté destiné à l'office avec un accès direct à la cour, un rez-de-chaussée, un étage de réceptions et de chambres, et des combles remarquables à charpente en forme de coque de navire inversée, avec fenêtres à meneaux et superposition des ordres dorique, ionique et corinthien. La cour conserve une ancienne boulangerie et une ancienne écurie devenue bergerie, et des traces de l'ancien château d'habitation et de la chapelle sont visibles dans un mur voisin ; la chapelle Notre-Dame du château avait été dotée en 1380 par Pierre II d'Alençon et Marie Chamaillard.
La seigneurie passa de la famille de Beaumont à la famille de Beaumont-Brienne en 1301, puis à la famille d'Alençon en 1425, aux Bourbon-Vendôme, et revint à leur fils Henri IV qui céda la baronnie en engagement à Marguerite de France en 1594. Après le rachat par Guillaume Fouquet de la Varenne en 1604, la propriété transmit ensuite aux familles de Champagne de Villaines, de Choiseul-Praslin, de Beauvau-Craon et à Ange Hyacinthe Maxence de Damas, puis fit l'objet d'aliénations au sein de la famille de Vaulogé. En 1969 Madame de Livornais vendit la forteresse à Arnaud de Vitry, qui investit dix millions de francs dans sa restauration et envisagea divers projets culturels avant d'en proposer la donation à la commune en 1980 sous condition d'utilisation culturelle ; la commune fit restaurer les remparts et transformer l'écurie en lieu d'exposition. Le département de la Mayenne est propriétaire depuis 1998.
Le château accueille le CIAP du Pays d'art et d'histoire Coëvrons-Mayenne, est labellisé Tourisme et handicap pour les quatre types de handicaps et a été cofinaliste en 2011 du concours "Patrimoine pour tous, patrimoine pour chacun" du ministère de la Culture et de la Communication. En 2013 le site a reçu le premier prix national des Trophées de l'accessibilité pour les équipements recevant du public, délivré par le Conseil national du handicap.