Origine et histoire du Cloître des Cordeliers
Le cloître des Cordeliers se situe au cœur de la cité médiévale de Saint-Émilion, en Gironde. Les Cordeliers, frères franciscains ainsi nommés en référence à la corde de leur ceinture, s'installent dès le XIIIe siècle initialement à l'extérieur des remparts. Ils occupaient vraisemblablement un lieu dit « Les Menuts » où l'on trouvait encore des vestiges de leur ancienne église, le terme gascon "menut" signifiant « petit ». Après d'importants dégâts subis pendant la guerre de Cent Ans, notamment le pillage de 1337, les religieux demandent et obtiennent l'autorisation de s'implanter à l'intérieur de la ville. À partir de 1338 ils entreprennent l'édification d'une chapelle intra-muros et, en 1343, le pape leur accorde le droit d'établir leur couvent en ville, conduisant à la construction du cloître et d'une partie des bâtiments conventuels. La chapelle sera ensuite transformée en l'église visible aujourd'hui, tandis que d'autres bâtiments antérieurs restent enfermés entre les murailles. En 1383, le roi d'Angleterre leur cède définitivement une parcelle constructible proche de leur ancien emplacement mais située à l'intérieur des remparts. Quatre siècles durant, les Cordeliers occupent le couvent qui comprend alors une église, une cour d'entrée, un chai, un cuvier, une cave, un jardin et un corps de logis avec six chambres. La Révolution de 1789 provoque la fermeture de l'ordre et la mise du bâtiment en bien national ; les religieux sont dispersés et le cloître reste délaissé malgré la réautorisation de l'ordre en 1850. Abandonné, le site est peu à peu envahi par la végétation et devient un lieu de rendez-vous romantique et pittoresque, évoqué au XIXe siècle par Maurice Graterrole pour son atmosphère mélancolique et poétique. À la fin du XIXe siècle, des propriétaires exploitent les sous-sols et les caves souterraines pour l'élaboration de vins pétillants sous le nom de MM. G. Meynot et Compagnie, donnant un renouveau d'activité au cloître. Depuis lors, plusieurs occupants se succèdent et perpétuent la production de vins effervescents, aujourd'hui réputés. Le cloître, construit en pierre calcaire locale, présente une architecture romane qui côtoie l'ancienne chapelle et l'église de style gothique. Ses colonnes monolithes, taillées d'un seul bloc, supportent des abaques décorés de petits écussons. On y distingue des arcs en plein cintre du milieu du XIVe siècle de style roman ainsi que des arcs en ogive gothiques dans le fond, ainsi que les restes d'une petite tour formant le clocher. On peut également observer un grand arc très pur traversant l'église, des colonnes dépourvues de chapiteaux et différentes fenêtres. Le site est classé au titre des monuments historiques et inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO. Les conditions naturelles des caves souterraines conviennent à la fermentation et au vieillissement des vins effervescents, dont la méthode traditionnelle comprend notamment le remuage quotidien des bouteilles, le dosage en liqueur d'expédition et le bouchage final par liège. Les Cordeliers produisent une dizaine de vins effervescents, blancs et rosés, brut ou demi-sec, élaborés à partir de cépages bordelais tels que Merlot, Sémillon, Cabernet Franc et Sauvignon. Il est possible de visiter les caves et galeries souterraines pour découvrir l'élaboration des vins et les dessous de la cité médiévale. Le cloître a aussi inspiré les arts : son décor a été reproduit à l'Opéra de Paris en 1839 pour Robert le Diable de Meyerbeer, et il a servi de lieu de tournage pour le film La mariée était trop belle de Pierre Gaspard-Huit.