Origine et histoire du Couvent des Dominicains
Le couvent des Dominicains de Guebwiller, dans le Haut-Rhin (Collectivité européenne d'Alsace), a été fondé en 1294 par l'achat de la maison de douane où la communauté s'installe. La construction de l'église débute au début du XIVe siècle : la nef est entreprise en 1306, le chœur est commencé en 1312 et porte un millésime de 1322 sur un contrefort. Les bâtiments conventuels étaient largement achevés en 1339 ; de nouveaux travaux s'amorcent au XVe siècle avec des agrandissements entamés à partir de 1420 et des transformations importantes dans la seconde moitié du XVe siècle, notamment la construction du cloître en 1468 et du réfectoire en 1478. Des campagnes sont encore menées au XVIIIe siècle (1709–1719) et un bâtiment annexe est ajouté au nord en 1732; des restaurations ont également été réalisées au XXe siècle. Après la Révolution, l'ensemble connaît de nombreuses réaffectations : l'église sert d'écuries en 1814, devient dépôt de teinturerie en 1826, puis, après l'achat par l'industriel Jean-Jacques Bourcart en 1836 et sa donation à la ville, la nef est transformée en halle de marché et le chœur aménagé pour des manifestations culturelles. Les bâtiments conventuels ont successivement été utilisés comme hôpital militaire, puis, après 1837, comme hôpital civil auquel on ajoute une chapelle protestante après 1856. L'église est classée monument historique en 1920 et le reste de l'ancien couvent l'est en 1976; entre-temps des travaux de restauration de la toiture et des piliers sont réalisés dans l'entre-deux-guerres et des campagnes de conservation des peintures se déroulent entre 1941 et 1972. En 1948, une partie du cloître et le chœur accueillent un musée historique ; la nef est aménagée en salle de concert en 1962. Le conseil départemental du Haut-Rhin acquiert le site en 1990, fait réaliser des fouilles et des campagnes de restauration, et y installe un centre culturel musical ; depuis 2013, le couvent fonctionne comme centre culturel de rencontre dédié à la musique, aux arts numériques et aux arts botaniques.
L'église est un édifice orienté : elle comprend une nef plafonnée de cinq travées avec vaisseau central et bas-côtés, et un chœur voûté de quatre travées avec chevet à trois pans ; l'ensemble intérieur reste sobre, conforme à l'idéal de pauvreté des Dominicains. À la jonction du chœur et de la nef se dresse un clocher octogonal posé sur une base carrée, et les façades extérieures sont crépies. La nef présente de grandes arcades brisées reposant sur des piles rondes à bases carrées sans chapiteaux, un portail sud transformé à la fin du XVe siècle et des vestiges du portail primitif, dont deux anges thuriféraires qui encadraient probablement une Vierge à l'Enfant. La décoration peinte, d'abord dépouillée, s'enrichit à partir de la seconde moitié du XVe siècle ; on y retrouve des représentations datées (1493 et 1498), des armoiries de la famille Stoer et des peintures datables de la fin du XVe siècle. Le chœur, dont les clés de voûte portent les armes de Burcart d'Illzach et des motifs religieux, est largement éclairé par de grandes baies en arc brisé à trois lancettes.
Le jubé occupe la travée orientale de la nef : il comporte cinq travées voûtées, une arcature ouverte sur la nef ornée de quadrilobes sculptés et des culots figurant des scènes inspirées de Thomas d'Aquin (pélican, phénix, aigle, etc.), tandis que les clefs de voûte représentent les évangélistes et un agneau pascal. Son décor peint, composé de couches successives depuis la fin du XIVe siècle, laisse encore apparaître plusieurs épisodes du Nouveau Testament tels que la Dormition de la Vierge, le Noli me tangere et une Crucifixion.
Les bâtiments conventuels s'articulent autour d'un cloître carré à douze arcatures par côté ; les remplages gothiques originels ont été supprimés à l'époque baroque. L'aile nord abrite les cuisines et les différents réfectoires, tandis que les cellules des moines se situent à l'étage. L'aile orientale, adossée à l'église, comprend l'ancienne sacristie devenue chapelle de l'hôpital et la salle capitulaire, transformée au XIXe siècle en chapelle avec une fausse voûte ; la sacristie est une salle quadrangulaire voûtée en deux vaisseaux reposant sur une pile centrale fasciculée et dont les clés portent les armoiries des abbayes de Murbach et de Lure.