Origine et histoire du Couvent des Récollets
Le couvent des Récollets de Rouffach comprend l'église Sainte‑Catherine et les bâtiments conventuels organisés autour d’un jardin intérieur. Établi par des frères franciscains vers 1250, l’ensemble s’est développé à la fin du XIIIe siècle, l’église étant réalisée à cette époque. Au début du XIVe siècle furent édifiés les bâtiments conventuels et le cloître, grâce au frère Boldelin, inhumé à Rouffach en 1311. Une école fondée au sein de la communauté en 1444 acquit une réputation européenne à la fin du XVe et au début du XVIe siècle ; elle accueillit notamment des humanistes comme Jodocus Gallus, Conrad Pellican, Sebastian Münster, Conrad Lycosthenes, Valentin Boltz, Materne Berler et Johannes Siegrist. Des travaux de restauration menés à la fin du XVe siècle furent achevés vers 1510. Au XVIe siècle, l’ordre teutonique installé à proximité utilisa la travée ouest de la nef comme chapelle et lieu de sépulture, et le mur ouest fut avancé d’environ 2,50 m, vestige mis au jour lors des fouilles de 1982. Le couvent connut un fort dépeuplement dans la seconde moitié du XVIe siècle puis un repeuplement vers 1591 sous l’impulsion du comte Eberhard de Manderscheid‑Blankenheim, qui fit construire contre le mur nord du chœur une chapelle funéraire où il fut inhumé ; une clé de voûte et un campanile portent la date 1606. À l’entrée du chœur, un jubé en bois aurait remplacé un ancien jubé en grès. Au XVIIIe siècle l’intérieur fut transformé : stucs décorant colonnes, corniches et plafonds, obturation de certaines baies, construction d’un campanile et renouvellement du mobilier, notamment autels et chaire. Sécularisé et vendu en 1791, le couvent fut successivement utilisé comme caserne, hôpital militaire, prison et atelier de tissage; l’église devint chapelle annexe en 1813. Une aile fut détruite par un incendie en 1848 et la façade sur rue fut aménagée au XIXe siècle pour accueillir un tribunal cantonal, fonction qui prit fin au cours du XXe siècle. Aujourd’hui les bâtiments conventuels abritent les archives municipales et une salle d’exposition, tandis que l’église est fermée au public depuis plusieurs années ; des fouilles entreprises en 1982 ont été interrompues par manque de financement et une restauration n’est pas envisagée à court terme. Situé aux 9‑11, rue du Quatrième‑Régiment‑des‑Spahis‑Marocains et rue des Récollets, l’ensemble est classé au titre des Monuments historiques depuis 1921. L’église se compose essentiellement d’un chœur polygonal et d’une vaste nef rectangulaire de type basilical, sans transept ni massif occidental ; la toiture continue est surmontée d’un clocheton octogonal à bulbe. Le chœur mesure environ 23 m sur 8 m et la nef près de 35 m sur 16 m ; la nef centrale, plus élevée, est flanquée de deux collatéraux couverts en appentis et percée d’oculi dans sa partie haute. La façade ouest se ferme par un plan vertical percé d’une grande fenêtre et de baies plus petites ; la façade sud, donnant sur l’ancien cloître, est rythmée de hautes fenêtres, tandis que la façade nord, située dans un passage étroit, est renforcée par de puissants contreforts et comprend une chaire extérieure en pierre et l’entrée principale à portes doubles. La chapelle Manderscheid est adossée au côté nord du chœur. L’intérieur, aujourd’hui en chantier, présente une nef à deux rangées de colonnes cylindriques élancées soutenant des arcades ogivales sur six travées ; les collatéraux sont fermés par des plafonds de bois et l’arc triomphal marque l’accès au chœur. Le sol était couvert de dalles funéraires, aujourd’hui déplacées et entreposées dans la nef, et certaines inscriptions sont très effacées. Les baies sont pourvues de petits éléments de vitrage assemblés au plomb, qui diffusent une lumière crue. Le décor baroque du XVIIIe siècle, en grande partie blanc et stucqué, subsiste au chœur où le plafond porte un bas‑relief représentant Dieu le Père entouré d’angelots et une coquille au‑dessus du maître‑autel ; une partie du plâtre a été déposé pour des raisons de sécurité après des effondrements. Le maître‑autel, richement décoré, présente un grand tableau de Jean‑Benoît Reissmuller illustrant le martyre de Sainte‑Catherine, daté de 1710; plusieurs statues et autels latéraux, dont une Pietà et un Saint Sébastien, sont déposés au Musée du Bailliage de Rouffach. D’autres œuvres issues du couvent, comme une Déploration du XVIe siècle et des huiles sur bois, figurent dans des collections telles que le Musée Unterlinden de Colmar. Des fresques antérieures demeurent partiellement visibles dans des niches, notamment une Crucifixion (XVe‑XVIe siècle), des vestiges du Mont des Oliviers et une représentation du martyre de saint Jean Népomucène (XVIIIe siècle). Les bâtiments conventuels formaient trois ailes autour d’un cloître d’environ 30 m sur 24 m; l’aile est conserve un avant‑corps néo‑classique en grès, grandes fenêtres à balustrade et fronton à blason rappelant son usage judiciaire, l’aile ouest ayant été détruite en 1848 et ne subsistent que des arcs brisés géminés du cloître. Un cadran solaire peint, représentant le Monde selon une cosmologie géo‑héliocentrique, orne la façade entre deux fenêtres et a été restauré en 1979.