Origine et histoire du Couvent des Ursulines
L’ancien couvent des Ursulines se situe dans le quartier Croix-de-Pierre, à l’est de Rouen ; sa chapelle funéraire, rue des Capucins, est inscrite au titre des monuments historiques depuis le 18 février 1975. Le site est desservi par la station de métro Boulingrin, sur la place du même nom. L’ordre de Sainte-Ursule, fondé à Brescia en 1535, se consacre à l’enseignement des jeunes filles ; il s’implante en France à la fin du XVIe siècle et arrive à Rouen en 1617. Les débuts dans la ville furent difficiles, mal accueillis par les magistrats municipaux, mais une bienfaitrice acquit la première maison qui leur permit de poursuivre leur œuvre d’instruction gratuite ; en 1630 on y recensait déjà 500 élèves. Vers 1640 la communauté s’installa sur un terrain entre la rue des Champs et la rue de Coqueromont (actuelle rue des Capucins) et, le 6 décembre 1653, elle occupa son nouveau couvent. Au XVIIe et XVIIIe siècles la communauté se développa : les effectifs et l’activité d’enseignement s’accroissent, et en 1727 des religieuses de Rouen, parmi lesquelles Marie‑Madeleine Hachard, partent fonder une maison à La Nouvelle‑Orléans. À la fin du XVIIIe siècle la communauté comptait plusieurs religieuses, novices et converses ; elle fut expulsée par décret le 18 août 1792, puis le couvent fut occupé par le ministère de la guerre et des biens furent vendus comme biens nationaux. Par décret du 23 avril 1807 les Ursulines retrouvèrent leur couvent et y reprirent l’école gratuite qui accueillait alors deux cents enfants, jusqu’à la création de l’école Saint‑Vivien. Les écoles ursulines fermèrent en 1893 et l’église ferma en 1903 à la suite des lois anticongrégationnistes. Le couvent, construit à partir de 1652 et achevé fin 1653 par les architectes Abraham et Pierre Hardouin avec les entrepreneurs Gravois et d’autres artisans, comportait alors une chapelle et un grand bâtiment conventuel ; la forme quadrangulaire classique fut limitée par des difficultés financières et complétée ultérieurement par un logis. Des travaux importants du milieu du XVIIIe siècle permirent d’achever l’église des fidèles, le chœur et la sacristie ; la dédicace eut lieu au XVIIIe siècle en l’honneur de l’Immaculée Conception. Les descriptions anciennes donnent des mesures précises de l’église, du chœur, de l’avant‑chœur et de la sacristie, et signalent un portail remarquable sur la rue des Capucins. Après son rachat par la ville, le domaine, qui comprenait chapelles, bâtiments conventuels et neuf maisons, fut acquis aux criées le 7 août 1906 pour la somme retenue par adjudication et ratifié par le conseil municipal, la propriété couvrant plus d’un hectare. La municipalité envisagea d’assainir et d’aménager le site pour la population, d’élargir la rue des Capucins et d’y implanter des équipements scolaires et des espaces de récréation. À partir du début du XXe siècle Pierre Chirol transforma une partie des bâtiments en logements destinés aux familles nombreuses au profit de la Fondation de la Grande Famille rouennaise, association créée en 1912 pour loger les ménages modestes ; il poursuivit ces aménagements dans les années 1920 en conservant au maximum la trame et les éléments existants. La ville loua la majeure partie des bâtiments à l’association pour un franc symbolique par an, l’association assumant impôts et entretien ; les deux ailes du couvent permirent de créer plusieurs dizaines de logements à loyer modéré. La grande chapelle fut utilisée comme dépôt d’archives en 1927 puis transformée en bibliothèque populaire gratuite restaurée par l’architecte Lain et inaugurée le 13 avril 1929 avec quelque 1 200 volumes ; elle fit l’objet d’un réaménagement et d’une réouverture le 21 juin 1954. À partir des années 1960, des projets d’urbanisme visant à revitaliser le secteur Est, notamment la création de l’avenue de la Porte‑des‑Champs et l’implantation d’un nouveau conservatoire, entraînèrent la démolition d’une partie des bâtiments conventuels et suscitèrent une vive polémique locale et des manifestations publiques. Lors de ces opérations plusieurs éléments furent détruits, tandis que d’autres furent démontés et mis à l’abri par les services compétents ; des objets et des sculptures furent aussi transférés à La Nouvelle‑Orléans à la demande de correspondants liés à la congrégation. Malgré la controverse, certains éléments furent sauvegardés ou retirés avant destruction, et la chapelle funéraire bénéficia d’une protection administrative en 1975. Le nouveau Conservatoire national de région, conçu par l’architecte Rodolphe Dusseaux, fut inauguré en 1977 sur le périmètre réaménagé. Aujourd’hui le domaine des Ursulines a été morcelé entre jardins publics, logements et équipements culturels ; certaines des anciennes constructions ont été conservées, déplacées ou réutilisées, tandis que d’autres ont disparu au cours des campagnes d’aménagement du XXe siècle.