Origine et histoire
Le domaine du château de Kolbsheim, situé à l’extrémité ouest du village de Kolbsheim dans le Bas-Rhin, comprend un château daté du XVIIIe siècle, protégé au titre des Monuments historiques et célèbre pour ses jardins labellisés Jardin remarquable ; il est le seul des deux châteaux qui avaient jadis coexisté dans la commune à subsister aujourd’hui. En contrebas du village, près de la Bruche, s’élevait au Moyen Âge un château appelé Altenau, entouré d’un fossé et d’un pont-levis et comprenant ferme, jardin et verger ; ses premières mentions le font appartenir à partir de 1479 à un seigneur nommé Voltz, qui a donné naissance à la lignée des Voltz von Altenau. Un descendant fit édifier vers 1570-1580 un autre château en hauteur, tandis qu’en 1651 la seigneurie se partagea avec Blaise von Mullenheim, qui s’installa dans le château du haut pendant que les Voltz conservaient celui du bas. Les alliances successives entre familles nobles entraînèrent de fréquents changements de propriétaires jusqu’à l’achat de l’ensemble des seigneuries par les Falkenhayn en 1759, puis à la démolition du château du bas en 1760 après l’extinction de la lignée des Voltz d’Altenau.
Le château dit du haut, ou Oberschloss, édifié vers 1570, a été remanié au début du XVIIIe siècle, comme l’atteste la date de 1703 gravée sur la balustrade ; Marie Catherine Wurmser de Vendenheim y fit alors construire un nouveau bâtiment comprenant dépendances agricoles, écurie, remises et un potager clos. La famille von Falkenhayn s’allia aux Wurmser et, par un mariage célébré en 1719, acquit progressivement la totalité de la seigneurie de Kolbsheim, qu’elle posséda seule en 1759, avant que sa lignée ne s’éteigne après la Révolution. En 1801 le domaine fut acquis par Charles de Dartein, puis, en 1824, par Jean‑Georges Humann, qui en fit sa résidence secondaire et y fit entreprendre d’importants travaux en 1830 ainsi que l’ajout d’une aile sud en 1848 ; des membres de sa famille y vécurent et y décédèrent. En 1874 le château passa aux mains de la famille Grunelius ; au XXe siècle un remaniement eut lieu selon les plans de l’architecte parisien P. Barbe en 1930 et la propriété demeure aujourd’hui gérée par une SCI familiale, la famille Grunelius ouvrant régulièrement le jardin au public en tant que monument historique.
Au XXe siècle Alexandre et Antoinette Grunelius s’allièrent d’amitié avec les philosophes Jacques et Raïssa Maritain, présentés par Nicolas Nabokov en 1927 ; sous cette influence, les Grunelius se convertirent au catholicisme et firent édifier en 1933, par Victor Hammer, une petite chapelle en grès rose contre le mur sud de l’église paroissiale, au portail sculpté. Vers 1950, une série de panneaux de grès sculpté représentant les quatorze stations du chemin de croix, œuvre du sculpteur Philippe Kaeppelin, fut fixée sur le mur de soutènement de la dernière terrasse du jardin. Le château accueillit pendant des années des colloques et rencontres philosophiques, le couple Maritain étant inhumé dans le cimetière de Kolbsheim aux côtés de Nicolas Nabokov ; ces rencontres se sont poursuivies jusqu’en 2014 au sein du Cercle Maritain installé dans une partie des communs.
L’aile ouest du château actuel date du début du XVIIIe siècle, la date 1703 étant gravée sur le parapet de la terrasse, et l’aile sud a été achevée à la fin du même siècle. Les bâtiments principaux et les communs entourent une cour ouverte au nord, accessible par une porte charretière à linteau rectiligne encadrée de grès et surmontée d’une balustrade de pierre ornée de pots à feu ; la façade principale, tournée vers l’ouest et le jardin supérieur, comporte sept travées sur deux niveaux surmontés d’un comble brisé, trois lucarnes dans le toit et une porte‑fenêtre centrale ouvrant sur un petit perron. Le corps de logis est flanqué de deux pavillons implantés en biais et coiffés d’un toit dit « à l’impériale », qui donnent l’effet de deux tours d’angle ; la façade sur cour reprend une disposition similaire avec trois niveaux et neuf ouvertures, tandis que le logis sud, placé perpendiculairement, est plus bas d’un étage bien que des aménagements réalisés au milieu du comble en accroissent la hauteur au centre.
Du côté des communs, une maison plus basse faisait office de logis pour le gardien et les annexes, agrandies ultérieurement, ferment presque entièrement le quadrilatère de la cour et s’étendent le long de la rue jusqu’à l’église ; une partie de ces bâtiments a accueilli le Cercle d’Études Jacques et Raïssa Maritain. Un passage dans les communs conduit à la petite chapelle de 1933 et une porte latérale ouvre sur un vestibule permettant d’entrer dans l’église ou de rejoindre l’escalier qui donnait accès à la tribune seigneuriale avant sa démolition. À l’extérieur, une tour cylindrique coiffée d’une toiture conique, qui paraît médiévale, est en réalité un château d’eau aménagé à la fin du XIXe siècle pour alimenter le château.
Le jardin du château s’étage vers le sud sur trois terrasses puis se prolonge par une pente boisée qui descend vers le canal de la Bruche en passant par un ancien moulin ; la terrasse supérieure offre une vue dégagée sur la vallée de la Bruche. Pendant la Première Guerre mondiale, l’armée allemande aménagea dans la pente des positions défensives, tranchées et ouvrages en béton qui traversèrent le parc et entraînèrent l’abattage massif des arbres, laissant le parc dévasté en 1918. Après 1920, Alexandre Grunelius fit réaménager les douze hectares de jardins avec le paysagiste anglais Breggins : on planta buis, conifères, ifs et charmes pour les haies, on creusa des bassins et l’on installa des statues provenant d’autres domaines, tandis que les terrasses se fondirent dans un parc à l’anglaise alternant bois et prés et ponctué d’arbres anciens. L’ensemble de la propriété est clos par un haut mur, interrompu au bord du canal, et une partie du domaine s’étend sur Ernolsheim‑sur‑Bruche ; un vaste jardin potager, de l’autre côté de la rue de la Division Leclerc, est également clos par un mur ou, par endroits, par une clôture en bois.
Les façades, toitures et jardins du château ont été inscrits au titre des Monuments historiques le 3 mai 1972 et l’ensemble du domaine, comprenant le château, ses dépendances, les jardins en terrasses, le parc et le mur de clôture a été inscrit à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques en 2006 ; le jardin figure parmi les lieux du Bas‑Rhin ayant reçu le label Jardin remarquable. Des habitants et associations se sont mobilisés contre le projet du grand contournement ouest de Strasbourg en raison de l’impact prévu sur le parc, mais l’autoroute est entrée en service en 2021.