Origine et histoire de l'Église Saint-Antoine
L’église Saint-Antoine de Conty, dans la Somme, est un édifice gothique flamboyant des XVe et XVIe siècles classé monument historique (liste de 1840, classement définitif en 1908). La présence d’une église à Conty est attestée dès la première moitié du XIIe siècle, et l’église fut agrandie en 1229 grâce aux libéralités de Jean, seigneur de Conty ; une seconde église, dédiée à saint Martin, subsista à Conty jusqu’à la Révolution. L’édifice actuel date de la première moitié du XVIe siècle ; il a été pillé en 1575 par les huguenots puis en 1589 par les ligueurs, et des traces de balles laissées par les armées espagnoles après le siège de Corbie en 1636 sont encore visibles sur le clocher. L’ancienne façade occidentale fut remplacée en 1869 par une façade érigée par l’architecte amiénois Victor Delefortrie, et l’église a fait l’objet d’une vaste campagne de restauration lancée en 2021 et achevée en mai 2024, portant notamment sur l’étanchéité de la toiture, la restauration des maçonneries et des vitraux.
L’édifice est bâti en pierre selon un plan en croix latine ; il mesure 32,70 m de long sur 21 m de large (chœur : 15,75 m de longueur ; nef et bas-côtés : 10,75 m) et la hauteur sous voûte atteint 15,50 m. Le chœur comprend trois travées, la nef et ses collatéraux deux travées, et le transept n’excède pas la largeur de la nef et des bas-côtés.
Le clocher, situé sur le côté sud du chœur et daté du XIVe siècle, est une tour carrée de 33 mètres cantonnée de contreforts ; en son sommet, à chaque angle, figurent quatre gargouilles ailées à queue en spirale, la cage d’escalier en saillie se trouve au côté est et la partie supérieure est percée d’ouïes ogivales géminées de style flamboyant. À l’angle sud-est du clocher, une statue de saint Antoine ermite du XIVe siècle le représente lisant et tenant les débris d’un tau, marchant au milieu des flammes et accompagné d’un cochon, image liée à la tradition de la guérison du Mal des ardents. Sur les murs du clocher, côté place, subsistent des empreintes de balles contemporaines du pillage de 1636.
La façade occidentale, profondément remaniée à la fin du XIXe siècle dans un esprit néogothique, présente un portail central encadré de contreforts à pinacles à crochets, un tympan ajouré muni de vitraux et des voussures de style flamboyant ; une rosace surmonte le portail et la grande baie flamboyante antérieure a été supprimée. La démolition du bâtiment de la trésorerie sur le côté sud a remis au jour une baie flamboyante comparable à celle du côté nord, conférant une certaine symétrie à la façade.
À gauche du portail occidental se trouve la fontaine Saint-Antoine, dont les eaux, selon la tradition, soignaient les animaux malades ; cette source prend naissance sous l’église à proximité de l’autel de Saint-Antoine et est à l’origine de la légende de la truite.
L’entrée du bras sud du transept s’ouvre par une double porte en anse de panier séparée par un trumeau ; le tympan est ajouré avec nervures flamboyantes, le portail est surmonté d’une ogive et d’un fronton en talon renversé, et il est encadré de piliers butants coiffés de pyramides à crochets. L’archivolte richement sculptée et la dentelle de pierre reposent sur des colonnettes qui supportent deux statues de seigneurs tenant des lambels (chartes). À droite du portail se remarque saint Adrien en costume de guerre, accompagné d’un lion et d’une enclume, et à gauche saint Sébastien, tenant un faisceau de trois flèches ; ces figures ont parfois été interprétées comme des chevaliers. Presque tous les contreforts portent des panneaux sculptés, et la balustrade flamboyante des bas-côtés qui longent le chœur est décorée de gargouilles formant un bestiaire de dragons, sphinx, singes, aigles, lévriers, lions et crocodiles, certains figurés avec des caparaçons.
À l’entrée de l’église se trouve un fragment de pierre tombale en marbre noir daté de 1120 et représentant Jean de Conty. Les voûtes sont ornées de pendentifs de style Renaissance datant des années 1550, et l’une des clés de voûte porte les armes des princes de Bourbon-Conti, seigneurs de Conty de 1551 à 1622 ; les piliers qui supportent les voûtes présentent un profil ondulant. Contre un pilier, à droite avant d’entrer dans le chœur, un autel est dédié à la Vierge et porte les statues de la Vierge, de saint Louis et d’un pape, et l’orgue a été construit par Félix Van den Brande en 1912.
Les voûtes du chœur s’élèvent à 15,50 mètres ; leurs arcs forment des compartiments ornés de pendentifs représentant notamment saint Maurice à cheval, un crucifix à double face encadré par quatre anges et les armoiries d’un seigneur de Conty. Le maître-autel, daté du XVIIe siècle, est surmonté d’un grand Christ du XVe siècle et comporte en dessous un bas-relief de la Vierge vue de profil ; de part et d’autre du tabernacle se trouvent les statues des quatre évangélistes. Les grilles en fer forgé datent de l’époque Louis XV, et quatre statues de François Cressent — Vierge à l’Enfant, saint Joseph, sainte Thérèse et saint Jean de la Croix —, provenant du couvent des Carmes d’Amiens, complètent la décoration.