Origine et histoire du Fort de Vaux
Le fort de Vaux, brièvement appelé fort Dillon, est situé sur les communes de Damloup et de Vaux-devant-Damloup, près de Verdun, dans la Meuse. Construit de 1881 à 1884 dans le cadre du système Séré de Rivières, il a été renforcé en 1888. Désarmé en 1915, il devint un ouvrage sans armement lourd ; sa tourelle de 75 mm explosa dès février 1916 sous le pilonnage allemand. Les Allemands attaquèrent le 6 mars ; le village tomba le 2 avril mais le fort tint. Du 2 au 7 juin 1916, le fort subit un siège acharné et, après de très durs combats, ses défenseurs durent se rendre ; il fut repris par les troupes françaises dans la nuit du 2 au 3 novembre 1916. Le fort de Vaux est depuis l’un des symboles de la résistance des poilus pendant la Première Guerre mondiale.
Le fort, élevé en maçonnerie ordinaire, vit sa caserne renforcée en 1886 par une carapace de béton de ciment de 2,25 m d’épaisseur séparée des maçonneries par une couche de sable d’un mètre. Par décret, le ministre Boulanger fit graver le nom « Boulanger » au fronton en 1887, mais le décret fut abrogé la même année et le fort retrouva officiellement son nom antérieur tout en conservant l’inscription. Entre 1904 et 1906 on installa une tourelle de 75 mm avec observatoire, deux observatoires cuirassés et trois coffres en contrescarpe reliés par communications bétonnées passant sous les fossés et recouvertes d’une dalle en béton armé de 1,25 m d’épaisseur ; à cette époque les observatoires n’étaient pas encore reliés à la caserne bétonnée. Deux casemates de Bourges, armées chacune de deux canons de 75 mm, complétaient la défense en battant les approches du fort et les ravins voisins. De 1910 à 1912, les communications bétonnées furent achevées de façon à relier la caserne — capable d’abriter 150 hommes — à tous les organes du fort ; deux citernes souterraines assuraient l’approvisionnement en eau. Le fort de Vaux a été classé monument historique le 25 novembre 1970.
À la fin mai 1916, après la prise par les Allemands de la cote 304 et du Mort-Homme, l’offensive allemande chercha à s’emparer des positions qui permettraient d’atteindre Verdun, parmi lesquelles figuraient les forts de Souville et de Vaux. L’attaque sur Vaux, programmée au quatrième jour de l’offensive, fut avancée au 2 juin après des succès allemands précoces. Plus petit que le fort de Douaumont, Vaux avait été préparé à une éventuelle évacuation : des charges de démolition posées depuis 1915 furent mises en alerte, mais un obus de 420 mm détruisit la chambre contenant les détonateurs et un autre fit exploser la tourelle de 75 mm, privant l’ouvrage de ses derniers canons ; les quatre autres pièces de 75 mm, retirées en 1915, avaient été remplacées par des mitrailleuses.
Le fort était commandé en 1916 par le commandant Raynal, âgé de 49 ans, officier blessé à plusieurs reprises qui s’était porté volontaire pour commander une place forte ; il prit ses fonctions le 24 mai 1916. La garnison comptait environ 250 hommes appartenant notamment à des compagnies du 142e régiment d’infanterie, à des compagnies de mitrailleurs, à des détachements d’artillerie à pied, à des sapeurs du génie et à un poste de secours du 101e régiment d’infanterie. À partir du 2 juin, des soldats chassés de leurs positions vinrent renforcer le fort, si bien que lorsque l’ouvrage fut encerclé le 2 juin, Raynal disposait de plus de 500 hommes, de quatre pigeons voyageurs et d’un chien nommé Quiqui ; la nourriture était rare mais une citerne de 5 000 litres fournissait normalement de l’eau.
Après la chute de Douaumont, les Allemands concentrèrent des moyens considérables et disposaient d’une supériorité manifeste en effectifs et en artillerie. Le 1er juin, des troupes allemandes progressèrent sous un feu intense et des combats acharnés eurent lieu dans les fossés ; le 2 juin, l’emploi de lance-flammes par les assaillants dans le coffre double au nord força des défenseurs à se replier vers la caserne, tandis qu’au nord-est des combats au corps à corps permirent aux Allemands de s’emparer d’un coffre simple et de pénétrer dans les galeries souterraines. Les défenseurs élevèrent des barrages de fortune dans des galeries étroites (1,70 m de hauteur sur 1,20 m de largeur) où l’on combattit à la grenade, à la baïonnette, au lance-flammes et même à la pelle ; plus de 600 hommes se retrouvèrent entassés dans la caserne souterraine, la chaleur devint étouffante et des explosions souterraines percèrent les citernes, privant la garnison d’eau. Les attaques des 4 et 6 juin repoussèrent les défenseurs vers les profondeurs des galeries sans permettre la prise complète ; une tentative de secours française échoua le 6 juin et, le 7 juin à 6 h 30, un groupe d’environ 250 survivants, épuisés et assoiffés, déposa les armes. Les Allemands rendirent les honneurs militaires aux défenseurs, et Raynal fut conduit au quartier général du Kronprinz qui le complimenta et lui offrit d’abord un poignard de pionnier puis une épée d’officier.
La tentative française de reprendre le fort du 8 au 17 juin, engagée malgré les réserves, se solda par de lourdes pertes ; le 2e zouaves fut relevé le 17 juin après avoir perdu 19 officiers et 846 hommes au cours de cette attaque. À la suite de l’offensive généralemandée en septembre par le général Mangin pour reprendre Douaumont et Vaux, le fort de Vaux fut évacué par les Allemands après dix jours de combats et de bombardements ; dans la nuit du 2 au 3 novembre 1916 des patrouilles françaises du 118e régiment vérifièrent l’absence d’ennemis et, profitant d’un éboulement et d’un trou bouché par des sacs de terre, des détachements du 118e et du 298e pénétrèrent dans l’ouvrage et l’occupèrent. Le 15 décembre 1916, les troupes françaises progressèrent jusqu’au village de Bezonvaux, marquant la fin de la première phase de la bataille de Verdun dans ce secteur.
Rétabli ensuite comme poste d’observation et réarmé de mitrailleuses, le fort fit l’objet en 1917 d’importants travaux : aménagements de casemates, creusement d’un puits, réalisation d’environ 1 500 mètres de galeries souterraines profondes pour la protection contre les gros calibres et pour les communications, ainsi que l’installation de l’électricité pour l’éclairage et la ventilation. En 2017, le fort de Vaux a attiré 61 358 visiteurs, contre 40 808 en 2013, effet du centenaire.