Origine et histoire de la Forteresse Royale de Chinon
La forteresse royale de Chinon, formée de trois châteaux — le fort du Coudray, le château du Milieu et le fort Saint‑Georges — s'étend sur un éperon rocheux dominant la Vienne, sur la commune de Chinon (Indre‑et‑Loire). Elle commande le passage sur la Vienne, à une quinzaine de kilomètres de son confluent avec la Loire, et s'étire sur environ 300 mètres ; la ville s'est développée au pied de la falaise. L'éperon est compartimenté, d'ouest en est, par des douves sèches instaurées sous Philippe Auguste, qui séparent les trois ouvrages et sont aujourd'hui franchies par des ponts ; chaque château possède une enceinte indépendante. Le château du Milieu, principal ensemble, accueille les logis royaux et le prieuré Saint‑Melaine.
L'occupation du site remonte au début de l'âge du fer : des fouilles ont mis au jour une demeure aristocratique gauloise, une tombe d'un chef enterré avec son épée et un petit village gallo‑romain. Sur la hauteur, des constructions en pierre et en torchis se développent et le secteur de la tombe évolue en petit cimetière utilisé jusqu'au Xe siècle. À la fin de l'Empire romain le promontoire est fortifié en castrum, avec une muraille d'environ 2,40 mètres d'épaisseur et une douzaine de tours, mentionnées par Grégoire de Tours. Chinon, intégré au royaume des Wisigoths, résiste à un siège en 463 et reste occupé aux époques mérovingienne et carolingienne, où des silos et bâtiments utilitaires ont été découverts.
Le château se structure entre le VIe et le Xe siècle autour d'un logis comtal et d'une tour, protégés par une enceinte séparée à l'extrémité est du promontoire, distincte d'une basse‑cour ouest abritant les installations économiques. Tenue au Xe siècle par les comtes de Blois, la forteresse connaît des transformations au XIe siècle, avec l'agrandissement de l'enceinte et la fondation d'un prieuré. Au XIe siècle, l'Anjou prend la Touraine et le château est cédé à Geoffroy Martel puis à son neveu Foulques IV, qui achève la nouvelle enceinte et finance des travaux. Sous les comtes d'Anjou et les Plantagenêt, la fortification s'intensifie : le plateau central est progressivement fortifié et un premier logis apparaît à l'emplacement du logis royal actuel.
Henri II Plantagenêt fait de Chinon sa capitale continentale ; il y séjourne fréquemment et y installe la « tour du trésor » pour les archives. Il fait édifier le fort Saint‑Georges et un palais comportant une chapelle dédiée à saint Georges. Henri II tient sa dernière cour de Noël à Chinon et meurt dans la chapelle Saint‑Melaine, dont une plaque au sol marque l'emplacement ; son corps est ensuite transporté à Fontevraud. Après des rivalités entre Plantagenêt et Capétiens, Philippe Auguste prend la forteresse en 1205 et renforce ses défenses : l'extrémité orientale est dissociée par un profond fossé, le donjon philippien du Coudray est élevé, des tours de flanquement et des châtelets d'entrée sont ajoutés, dont la porte des Champs. Au début du XIIIe siècle, Jean sans Terre renforce aussi la fortification, en particulier le fort Saint‑Georges, et célèbre à Chinon son mariage avec Isabelle d'Angoulême.
Entre le 18 et le 20 août 1308, Chinon est le lieu d'un épisode lié à l'ordre du Temple : quatre dignitaires, dont Jacques de Molay, y sont retenus et interrogés par des cardinaux, et le parchemin de Chinon, compte rendu de cette entrevue, a été rendu public en 2001. Vers 1370 le duc Louis Ier d'Anjou reconstruit des logis en U autour d'une cour ; au XVe siècle Charles VII donne au complexe sa configuration définitive de trois ailes autour d'une cour et aménage des appartements et salles de réception. C'est à Chinon que Jeanne d'Arc arrive en février 1429 : elle est reçue par le roi lors de deux entrevues, remet une couronne en or et confirme sa mission, épisode décisif pour la reconquête du royaume.
Dès le XVIIe siècle la forteresse perd son rôle stratégique ; partiellement démantelée et en ruines, elle appartient aux ducs de Richelieu jusqu'à la Révolution, puis est vendue comme bien national et morcelée entre particuliers. Au XIXe siècle, malgré des projets de démolition, le site devient une promenade publique et obtient en 1840 le classement comme monument historique, démarche qui amorce sa préservation grâce à l'intervention de Prosper Mérimée. Au XXe et XXIe siècles, des campagnes de restauration conduites par le département ont visé à restituer la lecture historique et architecturale du site : remparts, tours et donjon ont été restaurés depuis 2003 et les logis royaux ont été remis en valeur en privilégiant les procédés de construction de la fin du Moyen Âge, notamment des charpentes inspirées du XVe siècle.
Le parc aménagé au XIXe siècle présente des reconstitutions d'engins d'artillerie médiévale, et la forteresse a accueilli 130 000 visiteurs en 2017, ce qui en fait le site le plus visité du conseil départemental d'Indre‑et‑Loire. Depuis avril 2019, un dispositif multilingue en réalité augmentée sur tablette numérique est proposé aux visiteurs. Le monument sert aussi de lieu de tournage : en 2015 des séquences de l'émission Secrets d'Histoire consacrées à Aliénor d'Aquitaine et à Jeanne d'Arc y ont été enregistrées.