Fortifications de la ligne Maginot dites Ouvrages de la Ferté à La Ferté-sur-Chiers dans les Ardennes

Patrimoine classé Vestiges de la Guerre 14-18

Fortifications de la ligne Maginot dites Ouvrages de la Ferté

  • D52
  • 08370 La Ferté-sur-Chiers
Ouvrage de la Ferté
Ouvrage de la Ferté
Ouvrage de la Ferté
Ouvrage de la Ferté
Ouvrage de la Ferté
Ouvrage de la Ferté
Ouvrage de la Ferté
Ouvrage de la Ferté
Ouvrage de la Ferté
Ouvrage de la Ferté
Ouvrage de la Ferté
Ouvrage de la Ferté
Ouvrage de la Ferté
Ouvrage de la Ferté
Ouvrage de la Ferté
Ouvrage de la Ferté
Ouvrage de la Ferté
Ouvrage de la Ferté
Ouvrage de la Ferté
Ouvrage de la Ferté
Fortifications de la ligne Maginot dites Ouvrages de la Ferté
Crédit photo : Martial BACQUET - Sous licence Creative Commons
Propriété de la commune

Période

2e quart XXe siècle

Patrimoine classé

Les fortifications (cad. La Ferté-sur-Chiers ZB 38 ; ZC 1, 2, 29 ; Villy AD 105, 106, 138) : inscription par arrêté du 16 mai 1980

Origine et histoire de l'Ouvrage de la Ferté

L'ouvrage de La Ferté, parfois appelé ouvrage de Villy-La Ferté, est un petit fort d'infanterie de la ligne Maginot implanté sur les communes de Villy et de La Ferté-sur-Chiers, au sommet de la cote 215 dite « La Croix de Villy ». Il se compose de deux blocs reliés par une galerie souterraine et a été construit à partir de 1935 ; il a été gravement endommagé lors des combats de mai 1940 et constitue l'un des points les plus célèbres de la ligne, étant l'un des premiers ensembles attaqués par les Allemands ; l'intégralité de sa garnison fut anéantie après une attaque venant de l'ouest la nuit du 18 au 19 mai 1940. L'ouvrage faisait partie du sous-secteur de la tête de pont de Montmédy, situé entre la casemate d'intervalle de l'Aveney, à l'ouest, et la casemate CORF de Margut, à l'est, et il était à portée de tir de l'ouvrage du Chesnois ; à proximité immédiate se trouvaient les deux casemates STG d'artillerie de Villy Ouest et Villy Est, chacune armée d'un canon de 75 mm. La tête de pont de Montmédy comprenait quatre ouvrages — La Ferté, Le Chesnois, Thonnelle et Vélosnes — ainsi qu'une douzaine de casemates, et La Ferté marquait l'extrémité septentrionale de la partie continue de la ligne, au-delà de laquelle les fortifications deviennent plus légères dans le secteur défensif des Ardennes.

L'ouvrage accueillait cent six hommes, dont trois officiers, neuf sous-officiers et quatre-vingt-quatorze hommes de troupe ; l'effectif comprenait notamment soixante-quinze fantassins du 155e régiment d'infanterie de forteresse, des électromécaniciens du 3e régiment du génie, des téléphonistes du 18e régiment du génie et cinq artilleurs observateurs du 169e régiment d'artillerie de position, sous le commandement du lieutenant Maurice Bourguignon, nommé le 20 mars 1940. Le bloc 1 servait à la fois d'entrée principale et de casemate d'infanterie : son niveau supérieur comportait une entrée en chicane protégée par une grille et des créneaux FM, des fossés diamant défendus par une caponnière équipée d'un fusil-mitrailleur et d'une goulotte lance-grenades, ainsi qu'une chambre de tir dotée de créneaux pour un JM/AC 47 et un autre jumelage de mitrailleuses ; l'étage inférieur abritait notamment une chambre de repos, deux groupes électrogènes, la salle de neutralisation des gaz, la chambre du commandant et le poste de commandement. Le bloc 1 était surmonté de deux cloches GFM et de deux cloches AM, et un projecteur extérieur complétait le dispositif. Le bloc 2, de configuration voisine mais plus compact, comportait une entrée secondaire, des chambres de repos pour trente hommes, un local radio (antenne de 14 mètres), un local téléphonique et, en sous-sol, le groupe électrogène, la salle des filtres et un réservoir d'eau ; son sommet porte une tourelle AM à éclipse pour deux armes mixtes, une cloche GFM, une cloche VDP — la seule du secteur — et une cloche d'arme mixte. La tourelle AM pesait 135 tonnes, dont près de 50 tonnes de masse mobile, et était servie par une vingtaine d'hommes. Les deux blocs étaient reliés par une galerie de liaison de plus de 270 mètres, située à 19 mètres sous le bloc 1 et 28,60 mètres sous le bloc 2 ; cette galerie desservait cuisine, laverie, magasin aux vivres, réserve de charbon, infirmerie, puits, arrivée de câble téléphonique et magasin à munitions, et communiquait avec un égout visitable de 80 mètres dont les eaux se déversaient dans la Chiers.

L'ouvrage a été conçu dans le cadre des « nouveaux fronts » de la ligne Maginot et résulte d'un compromis budgétaire aboutissant à deux blocs d'infanterie autonomes au lieu d'un projet initial de trois blocs ; il n'est pas une réalisation conforme aux principes de la CORF et sa puissance de feu restait limitée à des armes de petit calibre, de portée inférieure à 1 800 mètres, excepté la tourelle AM qui pouvait tirer dans toutes les directions mais souffrait d'un masque dû à la proximité d'une cloche. Un ouvrage mixte prévu à Vaux-lès-Mouzon, destiné à couvrir les arrières de La Ferté, ne fut pas réalisé pour des raisons budgétaires, et l'absence de pièces à tir courbe et de mortiers de 50 mm (dont les supports n'avaient pas été montés) réduisait encore les possibilités de défense rapprochée, permettant aux troupes ennemies de progresser jusqu'aux barbelés situés à soixante-dix mètres. En compensation, deux casemates d'artillerie à Villy furent construites, mais elles étaient indépendantes et placées sous un autre commandement. À l'automne 1939, le projecteur fut installé et le village de Villy fut renforcé en transformant des caves en abris et en entourant le village d'un réseau de fils de fer et d'obstacles métalliques, tandis que, durant l'hiver 1939-1940, une densification de petits blockhaus fut réalisée dans le secteur défensif des Ardennes, sans toutefois combler les faiblesses du flanc gauche de La Ferté.

Au début de mars 1940, l'inspection parlementaire signala la disparité entre des ouvrages bien organisés dans la région de Montmédy et des défenses rudimentaires autour de Sedan ; ces observations furent contestées par le commandement local, tandis que les renseignements aériens allemands identifiaient les points faibles du secteur. Lors de la percée allemande, la percée principale entre Sedan et Carignan permit aux forces allemandes d'atteindre la Meuse et, après une série d'avancées et de bombardements, les unités allemandes progressèrent vers Villy ; l'abandon des maisons fortes et l'évacuation des intervalles privèrent l'ouvrage de La Ferté de troupes d'appui et d'artillerie. La dualité de commandement entre les organismes en charge des casemates et de l'ouvrage constitua une faiblesse côté français, tandis que l'attaque allemande contre La Ferté fut conduite par la 71e division sous les ordres du général Karl Weisenberger.

Les approches de l'ouvrage furent contestées à partir du 15 mai : après des affrontements autour des hauteurs et du village de Villy, les casemates de Villy-Ouest et Villy-Est furent abandonnées le 17 mai, isolant définitivement l'ouvrage. Le 18 mai, la prise de Villy permit aux Allemands de lancer une attaque concentrée : près de 250 pièces d'artillerie, y compris des canons de 88 mm en tir direct et des mortiers de 210 mm, pilonnèrent les cloches et les dessus, tandis que des pionniers employèrent charges et grenades pour neutraliser les cloches et la tourelle AM, cette dernière restant bloquée en position intermédiaire après une observation. Les incendies et les fumées forcèrent une grande partie de l'équipage à se réfugier dans la galerie de liaison, où des portes-sas restées ouvertes laissèrent pénétrer des fumées nocives ; les cartouches de masque anti-gaz, conçues pour des gaz de combat, ne protégeaient pas contre le monoxyde de carbone et la raréfaction de l'oxygène, et la galerie, étroite et dépourvue de ventilation autonome, ne constituait pas un refuge viable. Une contre-attaque française comprenant deux bataillons et dix chars B1-bis tenta de dégager la position sans succès, et malgré les demandes répétées du lieutenant Bourguignon, l'ordre d'évacuation lui fut interdit ; au matin du 19 mai il n'y eut plus de survivants dans l'ouvrage.

Après la chute, les moyens d'artillerie et la mise en scène de la prise servirent aussi la propagande allemande, tandis que l'impact militaire réel resta limité. Les corps des défenseurs furent récupérés début juin et la plupart furent d'abord inhumés dans deux fosses communes à Villy ; un cimetière provisoire fut aménagé en 1941, mais plusieurs dépouilles, dont celle du lieutenant Bourguignon et de seize de ses hommes, furent retrouvées en 1973 derrière le bloc 2, d'autres encore ayant été mis au jour lors de travaux de déblaiement en 1990. Les noms des cent six membres de l'équipage figurent de part et d'autre du monument élevé en 1949, et une nécropole et un cimetière militaire aménagé au début des années 1960 accueillent aujourd'hui une grande partie des dépouilles. L'ouvrage a été inscrit au titre des monuments historiques le 16 mai 1980.

Les dessus des blocs conservent un aspect meurtri, avec de nombreux entonnoirs visibles, et l'intérieur montre des destructions importantes : sur le bloc 1 plusieurs créneaux des cloches ont été enfoncés par des charges, les couloirs et plafonds sont noircis, des portes-sas ont été soufflées et la porte blindée d'entrée arrachée, tandis que l'étage inférieur conserve les groupes électrogènes, la salle des filtres et la chambre du commandant ; subsiste aussi une cuisinière Arthur Martin dans le local cuisine. Le bloc 2 présente la carcasse de la tourelle AM arrachée et reposant en travers de son puits, des trumelages arrachés, des créneaux enfoncés et des chambres de repos partiellement effondrées, avec des traces d'impacts de 88 mm au sommet.

Propriété de l'État jusqu'en 1971, l'ouvrage fut cédé pour un franc symbolique aux communes de La Ferté-sur-Chiers et Villy, et depuis 1973 le « Comité du Souvenir des défenseurs de Villy‑La Ferté » organise des visites guidées régulières et entretient le site.

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