Origine et histoire de la Porte Dijeaux
La porte Dijeaux, dite aussi porte Dauphine sous Louis XIV, est une porte de la ville de Bordeaux (Gironde) classée monument historique le 2 juin 1921. Elle se situe à l’extrémité ouest du decumanus formé par l’alignement des rues Porte-Dijeaux et Saint-Rémi et ouvre sur la place Gambetta. Le nom apparaît sous des formes variées (de Giu, Dijeu, Dijeus, Digaus) et deux hypothèses expliquent son origine : selon l’abbé Baurein, il dériverait de porta deus Judias, « porte des juifs » en gascon, en raison d’un lien avec le quartier juif du mont Judaïque ; d’après Camille Jullian, il viendrait de Porta Jovis, lié au temple de Jupiter, la forme gasconne de « de Jupiter » ayant évolué jusqu’à l’appellation actuelle. L’édifice actuel est la troisième porte à cet emplacement : la première, une ouverture de l’enceinte romaine du IVe siècle, aurait été la « porta Jovia » ; elle n’a pas été modifiée lors de l’agrandissement du XIIIe siècle. Les remparts du XIVe siècle déplacèrent la porte de dix à douze mètres vers l’ouest et l’inscrivirent entre deux tours, avec à l’extérieur une demi-lune servant de redoute. Cette porte, qui communiquait avec le faubourg Saint-Seurin, joua un rôle défensif notable, notamment lors de la Fronde de 1650 où elle permit de résister douze jours au siège du maréchal de la Mailleray. Dans le cadre des travaux d’embellissement conduits par l’intendant Tourny, les jurats décidèrent en 1746 de créer la place Dauphine (actuelle place Gambetta) et de démolir la demi-lune ; la porte elle-même fut remplacée par le monument actuel élevé à partir de 1748. La construction, dirigée par Voisin d’après les plans de l’architecte André Portier, est généralement datée du milieu du XVIIIe siècle, certaines sources mentionnant son achèvement en 1750, d’autres en 1753. Le décor sculpté, confié à Claude (ou Claude-Clair) Francin, comprend quatre trophées placés aux extrémités des frontons ; le côté ouest porte les armes de France et un cartouche daté 1748, tandis que le côté est porte les armes de Bordeaux et un cartouche figurant une tête de Neptune accompagnée de veaux marins. La Révolution entraîna la suppression des vantaux qui fermaient l’arcade centrale et des guichets latéraux, rendus inutiles par l’abolition des octrois. La porte est taillée en pierre de Frontenac, une pierre dure et dense dans laquelle on observe des sédiments de coquilles ; cette pierre est habituellement employée pour les fondations, alors que la pierre de Bourg est plus fréquemment utilisée pour les parties supérieures. Isolée aujourd’hui et privée de ses guichets piétons, elle marque toujours l’aboutissement de l’ancienne voie romaine qui reliait la place royale au fleuve. Des campagnes de restauration ont eu lieu, notamment en 1971, et de nouveaux travaux ont débuté en janvier 2022 pour une durée d’environ cinq mois. La porte encadre la perspective vers le centre-ville et constitue un point de repère historique sur la place Gambetta.