Origine et histoire des remparts
Les remparts de Guérande forment l’enceinte qui entoure la cité médiévale et sont classés au titre des monuments historiques (remparts en 1877, portes en 1889, promenades en 1943). La ville est l’une des rares cités médiévales à avoir conservé ses remparts presque intégralement et figure parmi les mieux conservées de France. Le tracé de l’enceinte, défini au Moyen Âge, englobe l’agglomération existante et anticipait une croissance urbaine qui ne s’est pas pleinement réalisée. L’essentiel des élévations date de la construction principale amorcée au XIVe siècle et des restaurations du XIXe siècle. L’enceinte, longue de 1,300 kilomètre, comprend six tours, quatre portes fortifiées — dont deux flanquées de tours — et une poterne ouverte au XIXe siècle, reliées par des courtines ; la porte Saint-Michel en constitue l’élément le plus monumental.
La construction des remparts mobilisa des moyens financiers, techniques et humains importants. Le financement reposa en partie sur le billot, taxe sur le vin reconnue par le duc de Bretagne et attestée dès 1415, administrée par une autorité municipale et étendue en 1461 à d’autres localités ; un mandement du 28 octobre 1464 du duc François II prorogea ces prélèvements pour contribuer aux fortifications. Le matériau provient du massif granitique local : selon les archéologues, les pierres de la courtine ouest proviennent à 95 % du creusement des douves, et les carrières de Trescalan ou de Clis ont fourni un leucogranite de teinte très claire. Les témoignages humains sont fragmentaires : on connaît la direction des travaux d’une grosse tour en 1475 par Greffin Hillary et Jean le Gallus, maître d’œuvre ducal, tandis que maçons, menuisiers et couvreurs guérandais formaient le noyau des artisans ; la présence de nombreuses marques de tâcherons suggère aussi l’intervention d’ouvriers spécialisés non locaux.
L’architecture des remparts illustre l’adaptation des systèmes défensifs à l’évolution des armes à poudre et combine défenses passives et actives. Les courtines, ancrées sur un soubassement granitique, atteignent environ 5 mètres de hauteur et 3 mètres d’épaisseur ; les tours, semi-circulaires ou en fer à cheval, sont le plus souvent indépendantes du chemin de ronde afin de préserver la circulation le long des courtines. Les douves, sèches à l’origine et entourant l’enceinte, complétaient la défense mais furent en partie comblées au XVIIIe siècle pour des raisons d’hygiène ; une portion subsiste entre la porte Bizienne et la tour Sainte-Anne. Un mail ou boulevard, édifié à la fin du XVe ou au début du XVIe siècle entre la porte Saint-Michel et la porte de Saillé, formait une première ligne défensive et permit le déploiement des canons ; son aspect actuel résulte des aménagements du duc d’Aiguillon qui le transforma en promenade arborée. Les défenses actives comprennent des meurtrières et des mâchicoulis permettant le tir et les projectiles depuis les murs et les tours.
Les quatre portes de ville ont été pourvues de systèmes défensifs importants pour compenser la faiblesse que représente toute ouverture dans l’enceinte. La porte Saint-Michel, du XIVe siècle, haute de 24 mètres et située à l’est, est l’entrée principale ; elle associe une architecture de porte fortifiée flanquée de deux tours et un logis-châtelet qui fit l’objet d’aménagements aux XVe, XVIIe et XIXe siècles. La porte Vannetaise, située au nord et attribuée à l’époque de Philippe Auguste, est l’un des éléments les plus anciens de l’enceinte ; ses tours sont percées d’archères, contrairement aux portes du XVe siècle dotées de canonnières, et elle fut longtemps murée avant d’être rouverte en 1778. La porte de Saillé, côté sud et attribuée au XVIe siècle, conduit vers les marais salants et présente une forme quadrangulaire avec mâchicoulis, rainures et pont-levis ; ses douves furent comblées au XVIIIe siècle et le mur entre cette porte et la poterne du Tricot est considéré par certains auteurs comme un vestige du XIIe siècle. La porte Bizienne, à l’ouest et élément le plus récent, fut construite en granite après un ordre de 1542 ; elle a connu diverses transformations, un droit féodal appelé « saut des poissonniers » jusqu’au XVIIIe siècle, des travaux d’élargissement en 1853 et des modifications de sa voûte au début du XIXe siècle.
Les six tours renforcent les points vulnérables que sont angles, portes et courtines et offrent une vue surplombante sans angle mort. La tour Saint-Jean, en granite, remonte aux XIVe-XVe siècles, conserve sa hauteur d’origine et a livré un escalier mis au jour lors de fouilles. La tour de l’Abreuvoir, plus saillante que les autres, comporte un rez-de-chaussée et deux étages, des ouvertures défensives et des niveaux intérieurs où l’on note la présence d’une cheminée. La tour de la Gaudinais, dite Jean V, et la tour de Kerbernet (ou Saint-Michel) présentent des similitudes de construction en longues pierres de taille et petit appareil ; Kerbenet conserve des archères à canon et des traces d’accès au chemin de ronde. La tour Sainte-Anne, élevée au milieu du XVe siècle pour défendre un angle nord‑est, est haute de 12 mètres, couverte d’un toit conique et possède des archères-canonnières ; elle a fait l’objet d’un aménagement d’un appartement pour musiciens au XIXe siècle et d’une rénovation en 2022. La tour de la Théologale, de la fin du XVe siècle, présente une grande arcade en plein cintre au rez-de-chaussée et quatre archères-canonnières, avec des corbeaux témoignant d’un ancien étage. Une ancienne tour Sainte-Catherine, signalée dès 1465, s’est effondrée et fut démolie en 1818 ; des traces subsistent dans le rempart et au sol.
La cité est plus ancienne que ses fortifications : la collégiale Saint-Aubin est mentionnée en 854 et un bourg est attesté en 1206, mais l’existence certaine d’une enceinte urbaine antérieure au XIVe siècle demeure incertaine. La porte Vannetaise est souvent considérée comme le plus ancien élément fortifié, daté par certains du XIIIe siècle et par d’autres du milieu du XIVe siècle. La plus importante campagne de fortification se déroule entre 1440 et 1490 sous l’impulsion des ducs de Bretagne : plusieurs tours sont insérées sur la muraille dans les années 1460 et les formes en fer à cheval des tours de l’Abreuvoir et de Sainte-Catherine correspondent aux années 1470-1480 ; la porte Saint-Michel est transformée à plusieurs reprises pour répondre aux besoins de la défense et de l’administration ducale. Une phase finale de travaux, liée à la crise politique entre duché et royaume de France à la fin du XVe siècle, concerne notamment l’adaptation des archères en archères-canonnières, les portes de Saillé et de Bizienne et la construction de boulevards de terre dont le mail est l’héritier.
Après le sac de 1342 par les troupes de Louis de La Cerda, la cité entreprend dès 1343 la reconstruction des fortifications, en réutilisant des portions antérieures ; ces travaux, qui durent plus d’un siècle et demi, visent à protéger la collégiale Saint-Aubin, la chapelle Notre‑Dame‑la‑Blanche, l’hôpital Saint-Jean, le manoir de la Prévôté et les espaces commerciaux et publics. Au XVe siècle, l’apparition du canon entraîne la transformation des archères en canonnières et l’édification de boulevards en terre pour amortir l’impact des grosses pièces d’artillerie ; un inventaire du 10 juillet 1495 signale des armes et des canons légers conservés dans la porte Saint-Michel, témoignant de l’évolution de l’artillerie à Guérande.
Guérande occupe une position centrale dans un territoire aux milieux naturels variés et, dès le Moyen Âge, la porte Saint-Michel, ouverte sur la route de Nantes, témoigne des échanges commerciaux entre la cité et son arrière-pays. La place du Vieux‑Marché‑au‑Blé et les halles de la rue Saint‑Michel illustrent la vitalité des marchés ; un marché hebdomadaire est attesté dès 1332 et la consommation de poissons, beurre, œufs et vin est documentée à la fin du XIVe siècle. Au XVe siècle, la cité accueille plusieurs foires, dont la foire Saint-Michel en septembre, et les faubourgs abritent tisserands et drapiers.
Aux XVIIIe et XIXe siècles, les remparts sont investis d’aménagements paysagers et urbains : le duc d’Aiguillon procède à des plantations, au comblement partiel des douves et à l’aménagement du mail, conférant à la promenade un caractère romantique ; durant la Révolution, un tir de canon crée une brèche comblée ensuite avec des pierres de calvaires, d’où le nom de « courtine des calvaires ». Au XIXe siècle, la disparition de la tour Sainte‑Catherine entraîne l’ouverture de la poterne du Tricot, et une brèche percée en 1854 est refermée en 1858, la poterne subsistant pour la circulation piétonne.
Depuis les années 1970, des campagnes de restauration visent à consolider l’enceinte et à restituer des élévations, avec des remplacements d’ormes notamment sur le Mail ; en raison du coût élevé des travaux (environ 2 000 € par mètre linéaire), seule une partie des remparts a été restaurée. L’accès est possible via le musée de la porte Saint-Michel et les visites guidées proposées par l’office de tourisme.