Origine et histoire du Château du Guildo
Le château du Guildo, situé sur la commune de Créhen aux confins de Saint-Jacut-de-la-Mer et de Trégon, est un château‑cour d'environ 3 200 m² inscrit au titre des monuments historiques par arrêté du 25 juin 1951 et propriété du conseil général des Côtes‑d'Armor depuis 1981. Il occupe un éperon rocheux de micaschistes traversé par un banc de dolérite, bordé au nord et à l'ouest par l'Arguenon et à l'est par un thalweg escarpé, surplombant d'environ 20 mètres l'estuaire et une crique aujourd'hui envasée. À partir de 1982 et pendant une dizaine d'années, le site a fait l'objet d'opérations de débroussaillage, de dégagement et de restauration menées notamment par des chantiers d'été organisés par l'association Études et Chantiers Bretagne, qui rassemblaient une quinzaine de jeunes bénévoles encadrés par des architectes et des artisans. En 1994 le conseil général, en accord avec le Service régional de l'archéologie, a commandé une étude visant à bilanter les opérations antérieures et à évaluer le potentiel documentaire et archéologique du site. Cette étude a mis en évidence un fort potentiel et conduit à des programmes d'étude triennaux ; après quatre programmes et un programme annuel en 2007, les fouilles ont concerné les trois quarts de la superficie du château. Le chantier, financé par l'État et le conseil général jusqu'en 2013, accueille chaque année une vingtaine d'étudiants français et étrangers sous la direction de l'Inrap et fonctionne comme chantier‑école. Six grandes phases d'aménagement ont pu être distinguées et, en 2005, des fragments de peintures murales ont été découverts dans les parties subsistantes d'une chambre basse proche de la grande salle nord ; il s'agit d'un décor en faux appareil polychrome inversé sur fond ocre rouge, à joints blancs dédoublés, comprenant des merlettes et une fleurette stylisée. L'occupation la plus ancienne, désormais attestée, remonte au XIIe siècle et se traduit par une maison mixte de grandes dimensions, construite en partie en pierre et en partie en matériaux périssables ; la découverte de mobilier équestre et l'emploi de maçonnerie dans le pignon ouest suggèrent la présence de personnages de statut élevé, sans que l'on puisse rattacher à cette phase des structures défensives identifiées avec certitude. Aux XIIe‑XIIIe siècles s'installe le premier château de pierre dont subsistent notamment des vestiges d'un logis adossé à la courtine nord ; trois étapes d'aménagement, toutes antérieures au dernier tiers du XIIIe siècle, témoignent d'une construction de qualité et de décors peints qui laissent supposer un commanditaire de rang élevé, peut‑être lié aux premiers ducs capétiens. Vers le milieu du XIVe siècle, le château est détruit, vraisemblablement lors de la guerre de Succession de Bretagne, puis après une phase d'abandon il est reconstruit dans le dernier quart du siècle ; le front nord reçoit un nouveau logis réutilisant partiellement des constructions antérieures, composé d'une grande salle basse, d'appartements sur trois niveaux à l'est et d'un niveau de caves, complété à l'ouest par une cuisine et par des communs installés contre la courtine occidentale. Au XVe siècle le logis fait l'objet de transformations importantes sans changer ses fonctions, les agrandissements entraînant une modification des communs : une partie importante des bâtiments est alors consacrée au cheval, avec une écurie restreinte pour animaux précieux, un appartement résidentiel soigné, la transformation de la forge en maréchalerie et l'aménagement d'un angle sud‑ouest entièrement dédié aux chevaux, situation liée au haut rang de Françoise de Dinan, dame du Guildo. La remise en défense du site lors de la fin du XVe siècle se traduit par le démontage des toitures des communs, l'installation d'une galerie de bois, l'aménagement d'une poterne et d'un poste de garde ainsi que la réorganisation des caves pour abriter chevaux et fourrage. La fouille met aussi en évidence une destruction violente des bâtiments à la fin du XVe siècle ; l'abondant mobilier monétaire et l'analyse documentaire situent la prise du château au cours de la campagne menée par Louis de la Trémoille sur la côte nord de la Bretagne en 1489, suivie du rasement du châtelet, de l'incendie de la tour polygonale et du logis ainsi que de la ruine des communs et de l'écurie. Aux XVIe siècle les communs et l'aile nord ne sont pas reconstruits et la résidence se concentre sur l'aile orientale ; des aménagements défensifs mineurs sont réalisés dans les salles basses et, à la fin du siècle, un bastion d'artillerie englobant les vestiges de l'ancienne tour polygonale sud‑ouest est construit, adaptation liée aux guerres de la Ligue pour défendre l'entrée du château et commander le passage sur l'Arguenon. Assiégé à plusieurs reprises pendant ces conflits, le château subit de lourds dégâts au XVIIe siècle, puis il est progressivement abandonné ; sa cour est affermée et mise en culture de maïs dès 1770 et la mise au jour d'une probable porcherie illustre le lent déclin du site aux XVIIe‑XVIIIe siècles. Parmi ses seigneurs figurent les Penthièvre, Charles de Dinan‑Montafilan, Françoise de Dinan, la famille de Laval et Saint‑Laurent d'Avaugour ; affermé du XVIIe siècle à la Révolution, le château est vendu le 17 juin 1794 et sert de carrière de pierres au XIXe siècle. Le site est en accès libre toute l'année et une reconstitution en 3D permet au visiteur virtuel de découvrir l'aspect du château à son apogée au XIVe siècle.