Origine et histoire
Construite de 1863 à 1868, l'ancienne manufacture impériale d'armes de Saint‑Étienne rassemble, selon une composition axiale, des bâtiments de production, d'administration et d'habitat. À l'ouest, la cour d'honneur est bordée par les bâtiments d'administration et les pavillons de logement directoriaux, précédés de jardins suspendus ; au centre se dresse la grande usine en double H, qui abrite quatre ateliers et la salle des machines. Le style éclectique mêle des références Louis XIII, Napoléon III et néo‑classiques aux structures modernes en fer et fonte, et les jardins conservent leurs essences d'origine. La manufacture royale d'armes est créée dans les années 1760 et, après des difficultés pendant la Révolution, se perfectionne sous la Restauration avant de recevoir d'importantes commandes autour de 1830. L'invention d'un nouvel arme à percussion conduit ensuite à la modernisation et à la réunion des ateliers dispersés, marquant la naissance d'une manufacture nouvelle, adaptée à l'usage des machines‑outils. En 1863, pour édifier la nouvelle manufacture au Treuil, le ministère de la Guerre répartit les constructions en trois groupes ; le premier, prévu pour 1864‑1865, comprenait la grande usine, le réservoir, l'usine à meule, le magasin à poudre, l'épreuve et le mur d'enceinte. Le montant initial des travaux était estimé à 769 648,80 F ; après projets complémentaires, le coût total atteint 1 199 391,29 F en 1866, somme qui couvre uniquement l'édification des bâtiments. La nouvelle manufacture est inaugurée le 26 avril 1866 lors de la mise en marche de la première machine à vapeur, et le chef d'escadron Boigeol succède au lieutenant‑colonel Jouffray à la direction à partir du 5 juin 1866. Les bâtiments actuels, datés de 1864, s'étendent sur douze hectares près de la place Carnot et s'inscrivent dans l'esprit des architectures rationalistes du XVIIIe siècle, évoquant la Saline royale d'Arc‑et‑Senans et le Grand‑Hornu. Palais industriel et militaire en briques rouges et pierres blanches, la manufacture illustre la puissance du Second Empire ; une partie des bâtiments, dont l'hôtel des directeurs, a été détruite pour la réalisation de la Cité du design. Saint‑Étienne, réputée depuis le Moyen Âge pour la coutellerie, fournissait déjà les arsenaux et comptait près de 80 moulins produisant armes de guerre et de chasse ; la production dépassait 12 000 armes par an à l'approche de la Révolution, obligeant le site à occuper plusieurs lieux dispersés en ville. En 1838, les frères Jovin vendent la manufacture au gouvernement, dont la production annuelle oscille alors entre 15 000 et 30 000 armes. Les premiers bâtiments de la nouvelle usine sont construits en 1864 — la grande usine de 155 × 130 mètres et un réservoir de 12 450 m3 —, complétés en 1866 par les bâtiments d'administration, les logements et la forge, puis en 1868 et 1870 par des ateliers de précision, de trempe, de montage et les bureaux. La superficie originelle au sol était de 22 000 m2 et la force motrice totale de 660 chevaux, permettant une production annuelle supérieure à 200 000 armes ; la manufacture traverse ensuite des difficultés pendant la guerre de 1870, et connaît une très forte industrialisation à la fin du XIXe siècle avec plus de 10 000 ouvriers et près de 9 000 machines produisant jusqu'à 1 600 fusils par jour. En 1894, la Manufacture devient un établissement d'État placé sous la direction du ministère de la Guerre. Au XXe siècle la production évolue au gré des conflits et des périodes de paix ; à partir des années 1960‑1970 la fabrication se diversifie en trois secteurs — armes et munitions légères, équipements blindés et défense chimique et nucléaire —, mais la baisse continue des commandes fait chuter les effectifs (plus de 11 000 en 1940 à 2 200 en 1981). GIAT Industries reprend la gestion en 1989 et l'activité se ralentit avant de cesser autour des années 2000‑2001. Le site de 12 hectares est depuis reconverti : la partie sud accueille plus de 300 logements résidentiels, la partie centrale la Cité du design et l'École supérieure d'art et design, la partie nord un centre de recherche et d'enseignement en optique‑vision, et l'ancienne imprimerie a été transformée en centre médiatique regroupant une école de médias et des bureaux de radios et télévisions. Le bâtiment dit « de l'horloge », la grille et le portail, les jardins, les murs de soutènement, les balustres, le monument aux morts, la grande usine dite « double H » avec sa salle des moteurs, l'ancienne usine des meules et l'atelier d'ajustage ont été inscrits au titre des monuments historiques par arrêté du 20 mars 2006. La manufacture a produit un large éventail d'armes : du pistolet de cavalerie modèle An XIII et du Chassepot (1866) aux revolvers Mas 1873 et 1874, en passant par le fusil Gras (1874), la baïonnette Gras modèle 1874 (1879), le revolver modèle 1892 (8 mm), le fusil Lebel (1886) et sa version raccourcie, le canon de 75 mm modèle 1897, la mitrailleuse modèle 1907, puis des armes et matériels du XXe siècle tels que les MAS 36 (1936), MAS 45 (1945), MAS 49 (1949), le MAC 50 (1950), l'AAT‑52 (1952), divers dérivés MAS (MAS 49/56), les fusils de précision FR‑F1 (1966) et leurs successeurs, le FAMAS (1973), des assemblages sous licence (HK G3 de 1977 à 1983, Beretta M12, MP5 sous la désignation MAS MP5F), ainsi que des lance‑roquettes LRAC F1 et d'autres munitions et cartouches. Certaines productions et prototypes ultérieurs mentionnés comprennent le PAMAS G1 (années 1980), le FA‑MAS Type 62 (prototype de 1962) et des armes d'appui comme l'AA52.