Origine et histoire de l'Abbaye Saint-Vincent
L'ancienne abbaye Saint-Vincent de Senlis, située 30 rue de Meaux à l'extrémité sud-est du centre ancien et jouxtant le rempart Bellevue, occupe un site occupé par un sanctuaire antérieur. Fondée en 1065 par la reine Anne de Kiev, elle fut peu à peu peuplée de chanoines réguliers de saint Augustin et placée sous les vocables de saint Jean‑Baptiste puis de saint Vincent de Saragosse. Aucun vestige en élévation de la première fondation n'est conservé ; l'église abbatiale actuelle a été élevée dans la seconde moitié du XIIe siècle par le même atelier qui travaillait à la cathédrale Notre‑Dame de Senlis. Sobre et marqué d'influences romanes, l'édifice relève toutefois de la première période gothique : son vaisseau central mesure 47 m et son clocher s'élève jusqu'à 41 m. L'église suit un plan cruciforme avec une nef de quatre travées, un transept saillant et un chœur de deux travées terminé par un chevet plat voûté d'ogives ; un bas‑côté nord, ajouté au XIIIe siècle, a été ensuite abandonné et ses arcades obturées. La nef et le transept sont voûtés d'arêtes tandis que le chœur présente un voûtement d'ogives ; l'entrée s'effectue par le portail occidental et par un accès depuis le cloître vers le croisillon nord, qui intègre la base du clocher. Le clocher, implanté à l'angle de la nef et du croisillon nord, associe un rez‑de‑chaussée roman à un niveau supérieur de facture gothique. Le cloître, légèrement décalé vers l'ouest, ouvre sur un jardin et s'insère dans le vaste bâtiment conventuel reconstruit dans un goût néoclassique entre environ 1660 et 1689 ; ce logis abrite notamment l'ancien réfectoire et la salle capitulaire qui conservent des décors sculptés. Après un premier siècle de grande prospérité lié à de généreuses dotations, l'abbaye subit les troubles de la guerre de Cent Ans, des conflits d'intérêts avec l'évêché et des spoliations aux XVe et XVIe siècles, dont deux tentatives d'usurpation de la charge d'abbé en 1491 et 1505. L'instauration du régime de la commende en 1536 affaiblit l'observance, puis la situation évolue avec la réforme engagée au début du XVIIe siècle : Charles Faure, entré comme novice en 1613, devint le principal réformateur et, à partir de 1623, fit de Saint‑Vincent le noyau de la réforme génovéfaine et de la future Congrégation de France, Senlis étant désigné siège des chapitres de province. Sous l'impulsion des réformateurs la discipline communautaire fut rétablie et Saint‑Vincent devint un centre d'implantation de la réforme dans d'autres maisons. Supprimée en 1791, l'abbaye servit successivement d'hôpital, de caserne, de prison puis de manufacture, avant d'être abandonnée en 1826 ; menacée de démolition en 1835, elle fut rachetée l'année suivante par trois chanoines de Beauvais qui fondèrent en 1836 une institution d'enseignement, restaurèrent les bâtiments et en firent l'actuel lycée privé Saint‑Vincent, fonctionnant sous contrat d'association avec l'État. L'institution fut confiée aux pères Maristes en 1869 ; la loi de 1905 entraîna une nouvelle crise, mais le rachat par d'anciens élèves permit la conservation des lieux ; les Maristes se retirèrent en 1980 tout en maintenant des liens spirituels. Pendant les deux guerres mondiales les locaux furent mobilisés à des fins militaires : hospitalisation durant la Première Guerre mondiale et occupation allemande durant la Seconde, entraînant déplacements de classes et internat. L'église a été classée au titre des Monuments historiques dès 1862 ; la façade du bâtiment conventuel sur jardin et cloître a été inscrite en 1933, d'autres façades, deux salles du rez‑de‑chaussée et les toitures l'ont été en 1945, et l'ensemble du site a été intégré en 1948 au périmètre protégé des promenades et remparts. L'ensemble reste visitable en dehors des heures de cours et le lieu, en particulier le cloître, est régulièrement sollicité comme décor pour des tournages cinématographiques et télévisuels.
