Immeubles sans affectation immédiate (ISAI) du groupe Faidherbe à Amiens dans la Somme

Immeubles sans affectation immédiate (ISAI) du groupe Faidherbe

  • 80000 Amiens
Crédit photo : Bycro - Sous licence Creative Commons
Propriété privée

Période

2e quart XXe siècle

Patrimoine classé

L’ensemble des immeubles sans affectation immédiate (ISAI) du groupe Faidherbe, façades et toitures, situés du n° 1 au n° 8 et aux n° 10, 12, 14, 16, 18, 20, 22 de la rue Maurice Thédié et aux n° 2 et 4 de la rue Martin Bleu-Dieu, ainsi que les escaliers monumentaux d’entrée des bâtiments 1 et 12, la sculpture des Trois Grâces d’Émile Morlaix à l’angle des rues Jean Catelas et Martin Bleu-Dieu, l’emprise foncière de la cour-jardin du bâtiment d’entrée (1,2, 3, 4) avec son parterre, l’ancienne fontaine à l’aigle et les deux puits de lumière en pavés de verre et enfin toutes les cages d’escalier avec leurs paliers ainsi que les monte-charges historiques du bâtiment 1, l’ensemble figurant au cadastre, section XY, parcelles 9a, 24a et 123a, tel que délimité sur le plan annexé à l’arrêté : inscription par arrêté du 22 avril 2024

Origine et histoire

Après les bombardements d'Amiens en 1940 et 1944, la municipalité organise un concours de reconstruction remporté par l'architecte Pierre Dufau. La question du logement devient alors prioritaire, 60 % des habitations amiénoises ayant été détruites. Le ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme (MRU) lance un programme national d'Immeubles Sans Affectation Individuelle (ISAI) afin de reloger les sinistrés. À Amiens, trois groupes d'ISAI sont prévus, dont celui le long du boulevard Faidherbe, intégré au plan municipal conçu par Dufau. Le projet Faidherbe est confié en 1946 à Paul Sirvin, qui s'entoure de Joseph Andrieu et de Pierre Dufau pour réaliser un ensemble d'environ 200 logements. Ce chantier de grande ampleur devient une vitrine du MRU, qui veut montrer l'efficacité de la politique publique de logement dans l'après-guerre. Le projet se distingue par le pragmatisme de sa conception et par des choix favorisant une réalisation rapide. Les ISAI amorcent par ailleurs les réflexions sur le logement social et collectif qui conduiront, du milieu des années 1950 au milieu des années 1970, à la création des Grands Ensembles et des Habitations à Bon Marché. L'opération illustre aussi l'étroite collaboration entre l'État, via le MRU, et la municipalité d'Amiens pour répondre aux besoins urgents de relogement et gérer les questions des dommages de guerre. Pierre Dufau y joue un rôle particulier : il est à la fois architecte des ISAI — il conçoit notamment le bâtiment 12, entrée secondaire à l'angle des rues Jean Catelas et Martin Bleu Dieu — et urbaniste en chef de la reconstruction d'Amiens. Installés sur une vaste parcelle remembrée en centre-ville, les ISAI Faidherbe proposent des logements collectifs de haut standing, alternative aux traditionnelles maisons mitoyennes en brique dites « amiénoises ». Malgré le soin porté au confort, à l'hygiène et à la qualité de vie, l'accueil des habitants est resté réservé. La situation à un carrefour de deux axes, la monumentalité du plan et des élévations, le parement de pierre rehaussé d'éléments décoratifs — sculpture d'Émile Morlaix, mosaïques, fontaine, balcons en fer forgé —, la diversité des services (caves, parkings en sous-sol, monte-charges, vide-ordures, entrées et toilettes de service, appartements de service), la généreuse taille des logements et le parc arboré au cœur de l'îlot font des ISAI une réalisation majeure de la reconstruction amiénoise. Sur le plan architectural, Sirvin, Andrieu et Dufau adoptent une sobriété classique fondée sur la symétrie des plans et des façades, un parement pierreux, la rigueur des lignes et une ornementation discrète, sans la touche régionaliste que l'on retrouve souvent ailleurs à Amiens. Ils associent cependant l'usage de matériaux modernes comme le béton et des techniques de standardisation, ainsi que des influences Art déco « paquebot » visibles dans les lignes courbes des balcons et des cages d'escalier, les fenêtres en bandeau et certains éléments décoratifs. Le sigle ISAI signifie généralement « Immeubles sans affectation immédiate », des variantes archivistiques existent toutefois — « sans affectation individuelle » ou « sans attribution individuelle ». Le programme ISAI est conduit par le MRU : les immeubles sont financés et construits par l'État, puis attribués aux propriétaires sinistrés en échange de leurs indemnités de dommages de guerre, selon l'ordonnance du 8 septembre 1945. La mise en œuvre du dispositif implique que le MRU fixe le programme général et les tranches annuelles après accord avec le ministère des Finances, que le programme particulier soit soumis au conseil municipal puis à l'agrément du MRU via le préfet, et que les projets réalisés par des associations syndicales de reconstruction soient soumis à l'approbation du MRU ; en pratique, c'est l'État qui, par dotations budgétaires, a assuré la réalisation. Le MRU confie une mission particulière à Auguste Perret et à son atelier ; les premiers ISAI sont construits dès 1947 pour reloger un grand nombre de sinistrés, et le chantier sert aussi de laboratoire pour des techniques nouvelles, comme le survitrage des fenêtres ou la ventilation par gaines individuelles. Parmi d'autres exemples d'ISAI figurent à Abbeville l'ISAI « Le Guindal », à Amiens les ISAI Faidherbe (boulevard Faidherbe, inscrit au titre des Monuments historiques en 2024), Château-Milan et Saint‑Pierre, à Dunkerque l'îlot Sainte-Barbe, à Évreux l'îlot L, au Havre les îlots V40 et V41 (îlot de la place de l'hôtel de ville, classés au titre des Monuments historiques en 2017) et Graville, ainsi qu'à Mantes‑la‑Jolie, Maubeuge et Vernon. Sources : Portail de l'architecture et de l'urbanisme ; Portail de la France.

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