Origine et histoire
Le château d'eau d'Amiens, situé sur le port d'Aval au bord de la Somme, au nord‑ouest de la ville, est inscrit aux monuments historiques en 2017. Commencé en 1751 d'après les plans de Jean Jumel‑Riquier et suivant les préconisations de l'ingénieur Bernard Forest de Bélidor, il illustre l'architecture classique du XVIIIe siècle. L'édifice et sa machine avaient pour fonction d'alimenter en eau potable les fontaines publiques du centre‑ville. Le dispositif fonctionnait par vases communicants sans réservoir de stockage : l'eau était élevée dans une colonne centrale à 27 m de hauteur, puis refoulée et propulsée au moyen d'une roue hydraulique. Dans la seconde moitié du XIXe siècle l'installation fut modernisée, notamment après 1865 par l'adoption d'une roue dite Sagebien, inventée par un Amiénois, puis par l'adjonction ultérieure de pompes électriques. Ces équipements ont longtemps servi, avant que l'ensemble ne soit démantelé en 1937 au profit de l'usine Saint‑Michel, située en face du château d'eau. Le bâtiment abrite aujourd'hui le service des eaux d'Amiens métropole.
Au milieu du XVIIIe siècle, l'intendant Jacques‑Bernard Chauvelin, qui supervise les travaux publics entre 1731 et 1751, décide de doter la ville d'un château d'eau et de fontaines pour répondre aux besoins domestiques, artisanaux et à la lutte contre les incendies. En 1749 le Père Féry, professeur à Reims, rédige et imprime un mémoire sur l'établissement des fontaines publiques à Amiens ; en 1750 Chauvelin consulte plusieurs ingénieurs, dont Jean Sirebeau et Bélidor, pour juger les projets proposés. L'étude et le devis de Jumel‑Riquier sont approuvés par Bélidor le 1er février 1751, et la construction est adjugée le 25 février 1751 à Simon Duprat. Les premières élévations sont attribuées à Beffara, mais les façades actuelles, plus sobres que prévu initialement, sont dues à l'architecte Mathurin Le Carpentier (1709‑1773), auteur également de la fontaine de la place au Feurre, l'une des quatre fontaines mises en service entre 1754 et 1756. Les fontaines se révélèrent néanmoins insuffisantes : lors de la grande sécheresse de 1779 le débit ne permit pas d'assurer l'alimentation attendue.
Le château d'eau présente un plan carré ; sa façade principale en pierre calcaire, tournée vers la Somme, concentre l'essentiel du décor, sobre et orné de motifs rappelant l'eau. Au rez‑de‑chaussée, une fontaine dont le bassin fut réduit au XIXe siècle était adossée au bâtiment ; une niche monumentale au centre de la façade montre une coquille et des motifs de chute d'eau, tandis que des bandeaux de pierre marquent les niveaux. La façade est percée de cinq baies — trois au premier étage et deux au rez‑de‑chaussée, ces dernières ayant été ouvertes en 1790 par Jacques Pierre Jean Rousseau, successeur du concierge Jumel‑Riquier — et les autres élévations sont en brique avec chaînage de pierre. L'édifice compte trois niveaux ; sa partie sommitale, autrefois couverte en plomb et abritant la partie supérieure de la colonne d'eau, a été supprimée dans les années 1930 lors de la mise en service de l'usine Saint‑Michel. À l'intérieur, le décor du XVIIIe siècle a disparu et le système hydraulique d'origine n'est plus en place, mais des vestiges permettent de comprendre le fonctionnement ancien de cette usine élévatoire.