Origine et histoire de la Bibliothèque Carnegie
La Bibliothèque Carnégie de Reims, intégrée au réseau des médiathèques municipales, est dédiée à l'étude et à la conservation du patrimoine. Construite en style Art déco à partir de 1921, elle a été inaugurée le 10 juin 1928 par le président Gaston Doumergue et l'ambassadeur américain Myron T. Herrick. Elle doit son nom au philanthrope américain Andrew Carnegie et sa construction a été rendue possible par une aide exceptionnelle de la dotation Carnegie pour la paix internationale.
La genèse des collections municipales remonte à la confiscation en 1764 des biens du collège jésuite après la suppression de la Compagnie de Jésus. Elles furent ensuite enrichies par les saisies révolutionnaires, qui apportèrent notamment les fonds des abbayes Saint-Remi et Saint-Nicaise ainsi que celui du chapitre cathédral. À cette époque, on estimait les dépôts littéraires de la ville à 65 000 imprimés et 1 000 manuscrits. Au XIXe siècle, la bibliothèque reçut divers dons, dont celui du sénateur Victor Diancourt, et une salle de lecture ouvrit en 1818 au premier étage de l'hôtel de ville; Louis Paris, Eugène Courmeaux et Henri Jadart se succédèrent ensuite comme bibliothécaires-archivistes.
Le projet de construction prit une nouvelle ampleur après la destruction, par un obus incendiaire le 3 mai 1917, de l'hôtel de ville, malgré la mise à l'abri de certaines collections à Paris et dans les caves de l'église Sainte-Clotilde. La dotation Carnegie consacra au total 500 000 dollars à des opérations de reconstruction et affecta 200 000 dollars à la ville de Reims pour la création d'une nouvelle bibliothèque, selon des résolutions prises en 1917 et 1918.
Les plans furent dessinés par l'architecte Max Sainsaulieu, qui effectua un voyage d'étude préalable pour intégrer les dernières évolutions de la bibliothéconomie. Le bâtiment est aujourd'hui considéré comme un chef-d'œuvre de l'Art déco en France et présente de nombreuses œuvres d'art et d'artisanat appliqué. La grande porte d'entrée en fer forgé, réalisée par l'entreprise Schwartz-Haumont, fut primée à l'Exposition des arts décoratifs de 1925, et les motifs du fronton sont l'œuvre du sculpteur Édouard Sediey. Les mosaïques du péristyle conçues par A. Biret et la décoration du hall, exécutée par les marbreries Merbès-Sprimont d'après des cartons d'Henri Sauvage, illustrent deux thèmes complémentaires, l'activité intellectuelle (poésie, philosophie, théologie, histoire, législation, médecine, chimie, arts décoratifs, beaux-arts, musique) et l'activité physique ou commerciale (imprimerie, commerce, tissage, agriculture, viticulture, sport, aviation, transport, finance). Les murs du hall sont lambrissés de panneaux en onyx d'Algérie et de bandes de marbre vert, et le lustre fut dessiné par le maître verrier rémois Jacques Simon. La salle de lecture est éclairée par trois baies vitrées et une verrière zénithale dessinées par le maître verrier nancéien Jacques Gruber, et ses peintures à motifs floraux sont de Madeleine Lacourt. Le bâtiment a fait l'objet d'une restauration complète entre 2003 et 2005 par les architectes Jean-Loup Roubert et Jacques Bléhaut.
Jusqu'à l'ouverture de deux nouvelles médiathèques en 2003, la Carnégie était la principale bibliothèque publique de Reims; depuis sa réouverture en 2005, elle est principalement consacrée à l'étude, à la conservation et à la valorisation du patrimoine. Ses collections rassemblent aujourd'hui environ 400 000 documents patrimoniaux et d'étude, dont 3 000 manuscrits — parmi lesquels 800 manuscrits médiévaux et environ 50 manuscrits carolingiens — et 100 000 livres imprimés des XVIe au XVIIIe siècles, dont 8 000 livres rares et 220 incunables. Elles comprennent également 25 000 volumes et 60 000 documents iconographiques consacrés à Reims et à la région Champagne-Ardenne, 30 000 romans policiers, des fonds spécialisés sur la 'Pataphysique et le groupe littéraire Le Grand Jeu, ainsi qu'une importante collection relative à l'affaire Dreyfus constituée en particulier par les dons de Pol Neveux et Fernand Labori.
