Ancienne usine Saint-Frères à Beauval dans la Somme

Ancienne usine Saint-Frères

  • 80630 Beauval
Crédit photo : Scanné par Claude Shoshany - Sous licence Creative Commons
Propriété privée

Période

XIXe siècle, XXe siècle

Patrimoine classé

Les anciens bureaux et logements du directeur et du concierge, façades et toitures (AA 123) : inscription par arrêté du 1er décembre 2016 modifiant l'arrêté du 13 septembre 2015

Origine et histoire

Les anciens bureaux et logements du directeur et du concierge de l'usine Saint Frères témoignent de l'importance d'une entreprise textile fondée en 1814 et devenue la première en France dans le tissage de la toile de jute avant d'être rachetée en 1969. La maison Saint, originaire de Beauval, s'est développée à partir d'une association de frères tisserands qui organisèrent la fabrication et le négoce des toiles, ouvrant des comptoirs à Rouen et à Paris et regroupant des centaines d'ouvriers. L'activité évolua avec l'arrivée du jute : les frères Saint produisirent des sacs en jute et mirent au point, dans leur établissement parisien, un métier à tisser adapté à cette fibre. Installée dès 1857 dans la vallée de la Nièvre, l'entreprise multiplia acquisitions et constructions d'usines, reliant parfois ses sites par un chemin de fer industriel. Sous la direction de membres de la famille, notamment Charles puis Pierre Saint, la société connut une forte croissance et devint, à la Belle Époque, le principal producteur français de jute, représentant une part importante de la production nationale. Pour faire face à la concurrence, Saint Frères diversifia ses productions : toilerie (toiles d'emballage, bâches, toiles gommées ou goudronnées), velours de jute pour l'ameublement et corderie. L'empire Saint Frères fut aussi marqué par une politique paternaliste inspirée du catholicisme social, qui se manifesta par la construction d'une église, de logements ouvriers, de magasins coopératifs et par la mise en place de services sociaux, d'écoles et de centres de formation et de vacances, centralisés notamment au Château rouge de Flixecourt. Cette organisation renforçait des liens familiaux étroits et une forte implantation locale ; l'entreprise possédait par ailleurs des terres louées à des fermiers. À son apogée, la société regroupait de nombreux sites de production principalement dans la Somme — filatures, tissages, bâcheries, sacheries, corderies — ainsi que des établissements dans d'autres régions et un siège social et une maison de vente à Paris. Saint Frères fournissait l'État et de grandes entreprises et exportait une part de sa production. Les difficultés apparurent pendant l'entre-deux-guerres, puis le déclin s'accentua avec l'avènement des fibres synthétiques qui rendirent la toile de jute moins compétitive. La crise entraîna licenciements et restitutions de logements de fonction, mettant à mal le modèle paternaliste. Après plusieurs restructurations et rachats, le nom Saint Frères est encore utilisé au début du XXIe siècle par des sociétés qui reprennent certaines activités de confection, d'enduction ou d'emballage sur des sites historiques. Les anciens bureaux et logements du directeur et du concierge s'inscrivent dans ce paysage industriel et social ; leur conservation permet d'appréhender l'organisation patronale, les relations ouvrières et l'empreinte territoriale de l'industrie du jute en France.

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